Pour qualifier ce que vivent en ce moment les chiens en Roumanie, nous manquons de mots. D’y penser, d’en parler, de l’écrire, cela fait mal. Pour protester contre cette abomination, dans plus de 70 villes, un peu partout en Europe, des groupes se sont mobilisés le samedi 17 mai, afin d’alerter le public, de recueillir des signatures, en un mot d’ouvrir les consciences (quelques-unes du moins) à la détresse des bêtes, dans ce qu’elle a de plus violent, de plus sordide, ladite détresse étant causée par l’homme, son ignorance, sa brutalité, sa cupidité aussi, et sa haine de l’autre, l’autre en l’occurrence ici étant l’animal.

Une partie des griffeuses et des griffeurs présents le 17 mai, à Clermont-Ferrand.

Une partie des griffeuses et des griffeurs présents le 17 mai, à Clermont-Ferrand.

Aujourd’hui, ici même, Europe, XXIe siècle, on s’acharne sur des milliers de chiens que l’on blesse que l’on torture, que l’on massacre, juste parce qu’ils ont eu la malchance d’être nés.

Aujourd’hui, ici même, Europe, XXIe siècle, les hommes montrent encore une fois qu’ils sont les pires des animaux que la terre ait jamais porté.

A Clermont-Ferrand, on s’était mobilisé aussi, à l’appel d’un collectif. La Griffe était bien présente. Une cinquantaine de personnes ont occupé la place pendant trois ou quatre heures. La moitié était griffeuse ou griffeur.

Ce qui se passe en Roumanie, en ce moment, est à peine concevable. Voilà que, depuis l’ère communiste et la brillantissime gestion des Ceauscescu dont on sait comment ils ont fini, les chiens, laissé à l’abandon au pied des barres d’immeubles où la plus grande partie de la population avait été contrainte d’émigrer, bon nombre de vieux quartiers ayant été détruits (cette ère stalinienne avait une façon bien à elle de concevoir les règles de l’urbanisme), les chiens donc, se sont retrouvés livrés à eux-mêmes. Ils vivaient assez paisiblement, nourris à la petite semaine par des quidams que leur situation émouvait, mais ils se reproduisaient… L’an dernier, il y eut un accident : une petite fille était tuée par l’un de ces chiens. Comme d’habitude, la prise de conscience consécutive à ce genre de drame ne fait pas dans la demi-mesure. En septembre 2013, le Parlement roumain votait une loi autorisant l’euthanasie de tous les chiens errants. Depuis, c’est la capture systématique et le carnage…

De source officielle (l’ASPA, autorité formée par le Gouvernement roumain), on donne les chiffres suivants : depuis le vote de la loi, 18.000 chiens auraient été capturés, 8.200 auraient été adoptés, 2.700 se trouveraient dans des « abris publics » (qui sont en fait d’immondes mouroirs), enfin il y aurait eu 7.100 chiens tués. D’après les observateurs et les associations de protection animale, ces chiffres sont quelque peu bidonnés. Les victimes seraient beaucoup plus nombreuses… Et, surtout, ce que ne disent pas les chiffres, ce sont les méthodes inqualifiables utilisées pour capturer et tuer les chiens.

Le témoignage d’un dogcatcher (les hommes engagés pour la capture) : « Des méthodes barbares ont fait de nombreuses victimes parmi les chiens : ils mourraient étranglés au bout d’une perche ou pendant le transport, entassés dans les cages. Les chiens passaient jusqu’à 14 heures à l’intérieur des fourgons avant d’être évacués vers les fourrières publiques, et certains d’entre eux étaient déjà morts à cause de la violence du traitement ».

A propos des méthodes utilisés par les dogcatchers, on peut aussi aller sur le site de l’association Charly le Blanc où figure la traduction d’une conférence de presse donnée par quatre d’entre eux, mécontents de leurs conditions de travail.

Le sort des chiens roumains ne semble pas cependant émouvoir beaucoup de monde. Il s’est avéré un peu difficile d’intéresser les passants, en ce samedi quasi estival, à de telles horreurs. On préfère généralement oublier ce qui est trop laid, ce qui fait trop mal. On préfère se distraire, s’amuser, consommer et se dire que de toute façon, on n’y peut rien.

Nous, on aura beau s’indigner jusqu’à s’en étouffer, nous savons bien que la plus grande partie de nos contemporains persisteront à ne rien voir, ne rien entendre. Circulez…

La souffrance des chiens roumains, des chiens de Mayotte (où en ce moment il se passe des choses atroces et inacceptables aussi), de tous les chiens torturés du monde, et des autres, tous les autres animaux, des dizaines, de centaines de milliards, ne pèse pas lourd dans la balance des préoccupations humaines.

Si seulement tous ceux qui se disent écœurés par tous ces meurtres descendaient dans la rue, cela finirait bien par se voir, par s’entendre. Mais on les attend encore ! Il y a des révoltes qui ne prennent effet que dans un coin de la tête, sans jamais aller plus loin. Ces révoltes-là confortent peut-être ceux qui les abritent, mais elles ne servent pas à grand-chose. Qu’on se le dise !

Ayons un peu plus de courage, un peu plus de détermination ! Le monde ne changera pas tout seul, et nous avons affaire à forte partie. Nous n’avons pas les moyens qu’une seule force nous manque. En nous battant pour les multitudes d’animaux torturés, n’oublions pas que nous nous battons aussi pour nous, pour notre dignité, pour un certain sens de l’éthique, pour la paix de notre conscience.

Samedi, La Griffe a fait signer une pétition pour les chiens de Roumanie, nous avons collecté 108 signatures. Nous avions aussi une pétition pour les chiens de Mayotte : 98 signatures. Elles sont désormais en ligne sur le site de La Griffe. La première sera transmise aux futurs députés de la circonscription Massif Central Centre, la seconde au ministère de l’Agriculture français, en charge, à ce qu’il paraît, de la protection animale ( Mayotte est un département français d’Outre-mer).

Josée Barnérias