La députée Laurence Abeille (EELV) porte bien son nom. Elle est aussi opiniâtre dans ses démarches qu’une petite butineuse et ne s’en laisse pas conter. Elle s’est mis à dos une grande partie de ses collègues député(e)s en invitant, mercredi, Pamela Anderson, la star américaine d’Alerte à Malibu, à venir faire une petite visite à l’Assemblée nationale. La belle Pamela, qui approche la cinquantaine, s’intéresse depuis belle lurette à la cause animale, en apportant son soutien notamment à l’association PETA. Profitant de son passage en France, Laurence Abeille a fait appel à elle pour soutenir sa proposition de loi d’interdiction du gavage des oies et des canards en vue de la production de foie gras.

Coup médiatique ? Oui, et alors ? La députée du Val-de-Marne ne s’en défend pas, au contraire. Si cela est nécessaire pour attirer l’attention de ses collègues et du public sur son initiative, alors cette opération est largement justifiée.

Du coup, Laurence Abeille a atteint son but. Les journalistes, tels des paparazzis de compétition, se sont rués au Parlement pour y rencontrer la « créature ». La presse était toute retournée ! Une sex symbol dans l’Hémicycle ? Du jamais vu ! Les journalistes ont eu du grain à moudre, car les commentaires ne se sont pas fait attendre. L’intrusion de Pamela aux côtés de Laurence a fait se craqueler le vernis de courtoisie de bien des élus. Pendant que d’aucuns brocardaient cette « apparition hollywoodienne », la trouvant « surréaliste », d’autres, ou peut-être les mêmes, se posaient en avocats de l’humanité souffrante et faisaient remarquer que la démarche était « en décalage avec les problèmes que le monde connaît aujourd’hui ». Mouais… Refrain connu. Dès qu’il s’agit de cause animale, on est toujours « en décalage », sachant qu’il y a « d’autres priorités », que l’on ferait mieux de s’intéresser « aux gosses qui meurent de faim », etc.

Mais enfin, il y avait pire encore : « degré zéro de la politique », « comble de la médiocrité », événement qui « déshonore le Parlement » (rien que cela !)… Il y a eu aussi l’attendu « elle ferait mieux de s’occuper de la façon dont on traite les animaux dans son pays »… Mais elle le fait, cher Monsieur, elle le fait… Il y a même eu un petit farceur qui a fait remarquer qu’il n’y avait « pas de silicone dans le foie gras », osant ainsi une allusion aux mensurations de l’actrice.

On peut difficilement se montrer plus machiste, plus goujat… Quant aux responsables de la filière gavante, ils ont vu dans la présence de Pamela Anderson une « provocation », rien de moins.

N’empêche, elle est venue. Pas vraiment à l’aise (dans un tel climat d’hostilité, comment pourrait-on être serein ?), elle a délivré son message, évoquant « une industrie aussi cruelle que le massacre des bébés phoques », et appelant les Français à ne plus consommer ce produit issu d’un « foie malade »… Cependant, il avait été sans doute, en d’autres temps, plus facile à une autre sex symbol, Brigitte Bardot, d’émouvoir la banquise qu’à la belle Pamela de convaincre des élus franchouillards issus de secteurs ruraux pour la plupart, accrochés aux traditions plébéiennes comme des moules à leur rocher… Les mêmes qui défendent la chasse, la corrida, les tueurs de loups…

Les députés n’ont pas eu l’air d’apprécier qu’on leur ôte leur tartine de foie gras de la bouche, d’ailleurs ils ont signé d’une seule main, si l’on peut dire, un texte pour s’élever contre la proposition de loi de Laurence Abeille et réaffirmer, s’il était besoin, leur soutien inconditionnel aux gaveurs qui, accablés par les récentes mesures de gel de la production à cause de la grippe aviaire, seront largement indemnisés par l’argent du contribuable…

Ainsi va le monde… Les phallocrates marchent main dans la main avec les tueurs de bêtes. Il ne faut pas pour autant se décourager : si les Laurence Abeille ne sont pas légion, il suffit néanmoins d’une seule pour mettre un hémicycle sens dessus dessous…

Un message a réussi à se faufiler au milieu des attaques et des coups bas… Ce qui a été mis en évidence, ce n’est pas la légitimité du gavage, mais la grossièreté des arguments qui tendaient à la défendre… Bravo, Laurence ! Merci Pamela !

Josée Barnérias