Attaqué par des chats : il faut sauver Willy !

Par Josée Barnérias

On ne peut pas oublier Willy ! Souvenons-nous : en 1993 sortait le premier film de ce qui allait devenir une longue série. Grâce à une histoire pour ados, légèrement eau-de-rosée, la captivité des mammifères marins, et notamment des orques (Willy en était une) devenait un vrai sujet de société. Même si cela n’a pas suffi pour sauver d’autres Willy…

Ce n’est pourtant pas de ce Willy-ci ni de ces congénères que je désire vous entretenir, mais de l’autre, non moins représentatif et, à l’entendre, non moins menacé.

« Le chat tue… »

Willy Schraen, car c’est de lui qu’il s’agit, président de la Fédération départementale du Pas-de-Calais, a acquis la célébrité en devenant, en 2016, président de la Fédération nationale de chasse. Ce n’est pas rien. Il a droit à la considération des grands de la Nation. Quant à la Fédération, elle est prospère, caressée dans le sens du poil par nombre d’élus et de politiques, même si les effectifs des adhérents ne cessent de décroître, lentement mais sûrement, d’année en année.

Et pourtant, Willy est inquiet…

C’est que, le 4 mai dernier, lors d’un entretien accordé au média numérique chassons.com, il a eu l’idée lumineuse d’évoquer les nuisances causées sur la biodiversité par… les chats. C’était finement analysé : « Il y a un moment, on va devoir agir sur le chat. Le chat tue, mais bien, bien plus d’animaux que les chasseurs, c’est même pas à comparer. Il faut trouver une solution pour le chat et, effectivement, le piégeage du chat à plus de 300 mètres de toute habitation, ce serait une bonne chose… » Il ajoutait, lucide : « On est attaqués (les chasseurs – NDR) de toutes parts… On nous reproche plein de choses alors maintenant, si on piège les chats, je vous dis pas à quoi ça va ressembler ! »

L’intuition de Willy avait touché juste. Dès la mise en ligne de cet épisode, les amis des chats, les associations de protection des animaux montaient au créneau, alimentant réseaux sociaux et autres supports de commentaires plutôt acerbes et même de menaces à son encontre. Jusqu’à justifier, du point de vue des instances supérieures de la Nation, de lui accorder une protection policière ! L’humoriste Tanguy Pastureau, sur France Inter, le 14 mai, en remettait une couche avec « Le président des chasseurs veut tirer sur mon minou ! » C’était le pompon ! Willy, n’écoutant pas la petite musique que lui jouait son légendaire sens de l’humour, se disait « humilié » par cette sortie dans La Voix du Nord qui lui avait accordé un article. On notera au passage le commentaire du journaliste à propos des chats que Willy rêve de piéger (pour en faire quoi, après ?) : « Son idée est pourtant loin d’être saugrenue ».

Pour argumenter, Willy appelait la LPO à son secours. D’après cette irréprochable organisation, les chats seraient à l’origine de la mort de 75 millions d’oiseaux en France, chaque année. Mazette !

Un acte citoyen

Chassons.com est revenu à la charge le 18 mai dans un article intitulé « Des écologistes soutiennent que le chat pose un vrai problème », sans doute dans l’intention louable de sauver Willy. Appelant à la rescousse des sommités telles que Libération, Le Figaro, le Huffington Post, Sciences et Avenir, du moins leur version numérique. Et c’est vrai que ces publications ne font pas dans la dentelle. Les pauvres greffiers sont accusés de tous les maux. On cite volontiers leurs ravages sur la petite faune australienne, celle de Nouvelle-Zélande, etc. En France, leur nombre aurait doublé en vingt ans. Ils seraient 12 ou 13 millions, et ces chiffres ne tiennent même pas compte des multitudes (plusieurs millions) de pauvres chats qu’on laisse à la rue, qu’on abandonne à un sort rien de moins qu’enviable et qui se reproduisent à qui mieux mieux. Tout le monde s’en fout. Ce ne sont que des chats. Ce n’est pas un sujet sérieux et on ne s’aperçoit de leur présence que lorsqu’ils deviennent gênants…

Et ce sont les mêmes qui vont leur reprocher les déprédations sur la biodiversité ? Faudrait savoir…

Parce que, pendant qu’ils y sont, ils pourraient aussi rendre responsables tous les abrutis qui ne jugent pas utile de faire stériliser leur chat ; les collectivités locales, territoriales et autres qui se fichent comme d’une cerise, sinon d’organiser des campagnes de stérilisation qu’elles ne veulent ou ne peuvent financer, au moins de trouver des financements pour cela (des fondations – la FBB, 30 Millions d’Amis – sont prêtes à donner un coup de main) et, ce serait le minimum, d’inciter les administrés par le biais des publications officielles, bulletins divers, etc. à faire stériliser leur chat mâle ou femelle, en présentant cette mesure comme un acte citoyen. Après tout, on n’oblige personne à adopter un chat. Lorsqu’on en a un, le moins que l’on puisse faire, c’est de l’assumer !

Un seul moyen

Combien sommes-nous d’associations, à hurler depuis des années – que dis-je ? des décennies – qu’il faut endiguer la reproduction féline et que, pour cela il n’est qu’un seul moyen, la stérilisation généralisée ? Qui entend ? Quel décideur, quel modeste élu, quel député, quel ministre, qui ? Et qui parlera du rôle, dans la disparition des oiseaux, des pesticides et de leur corollaire, la disparition des insectes, nourriture essentielle des petits passereaux, et de l’urbanisation galopante ? Il n’y a pas que les matous pour mettre des plumées aux moineaux…

Pour sauver la biodiversité des griffes des chats, il est certes plus facile de laisser faire les chasseurs. Car l’idée de Willy Schraen n’est pas « saugrenue », elle arrive juste un peu tard, car il y a belle lurette que les chasseurs s’en prennent aux chats, en leur tirant dessus, en les piégeant de toutes les façons… Les chasseurs n’aiment pas les chats. Et Willy a beau évoquer les deux minets de ses enfants qui ne le dérangent pas (il ne manquerait plus que cela !), il n’arrivera jamais à se faire passer pour un ami des petits félins.

Cette histoire est lamentable. Et sans doute vaut-il mieux en rire. Ce qui n’empêche pas la colère. Trop facile de se choisir des bouc-émissaires car enfin, si les chats font des dégâts, je le répète, à qui la faute ?

Qui n’a pas déjà entendu de « faux » écolos et vrais cons claironner, en parlant de leur chat non stérilisé : « Il faut laisser faire la nature » ? Ben voilà.

Mais revenons à Willy, car c’était bien notre sujet de départ, n’est-ce pas ? Il ne faut pas trop lui en vouloir. Cet homme n’a envie que de protéger la nature et les animaux. La preuve : il aime bien le « gros gibier ». Il adore aller pêcher en mer (pêche au gros, sans doute, car on ne voit pas l’intérêt de prendre un bateau pour ramener un maquereau au bout d’une ligne). Et puis il cache (bien) une âme de poète, au fond. Car figurez-vous que Willy est fleuriste. Enfin il possède des magasins de fleurs. Il fait dans la délicatesse !

Allons donc, Willy, on le voit bien, n’est pas un mauvais bougre. Et puis, comme il semble particulièrement doué pour les rôles de comique, il peut encore nous divertir. Alors, oui, il faut sauver Willy !

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