Covid-19 : la revanche du pangolin ?

Josée Barnérias

Qui avait déjà, il y a quelques semaines, entendu parler de Wuhan ?

Qui aurait pu deviner que cette ville gigantesque de la Chine centrale allait devenir le berceau d’un épouvantable virus qui semble faire très peur à l’humanité entière ? Qui aurait pu dire que, au cœur de ce drame international, se cachait un drôle de petit animal ?

Pensée magique et panacée coûteuse

Les marchés aux animaux chinois sont une sordide réalité connue des animalistes, et sans doute aussi des touristes. L’on y trouve des individus d’espèces de toutes sortes, y compris sauvages, vivants ou morts, qui, selon les critères d’une certaine Chine « traditionnelle », présentent des intérêts divers.

Les pangolins, petits mammifères à écailles, y ont bien entendu leur place. Leur carapace représente leur seule défense contre les prédateurs. Mais pas contre le prédateur suprême, l’homme.

Une fois le pangolin capturé (ce n’est, paraît-il, pas très compliqué), il est ébouillanté vivant. On récupère ensuite à peu près tout : sa chair, ses écailles, son sang, même les fœtus ont leur utilité. Ce que l’on ne mange pas entre dans la composition des recettes plus que douteuses de la pharmacopée extrême-orientale. C’est que le pangolin possèderait des vertus anti-inflammatoires, anti-coagulantes, anti-ceci et anti-cela… N’en jetez plus. La pensée magique fait des prouesses : un tel animal peut être vendu jusqu’à 5.000 euros !

Un « réservoir » inattendu

Ce qui est rare est cher. Et justement, le pangolin se fait rare. Inscrit en 2016 à l’annexe I de la CITES, il serait aujourd’hui en voie d’extinction. Il excite les convoitises : il remporte le triste record de l’animal le plus braconné au monde (environ 200.000 individus par an). Il est inoffensif et se reproduit peu : pas plus d’un petit chaque année.

Et voilà que, tout à coup, il se met à montrer les dents. Il serait le « réservoir » du redoutable Covid-19, devenu en quelques semaines la hantise des pays du monde entier. Ainsi, le petit pangolin, fragile, oublié, exploité jusqu’à l’os, serait devenu la menace ultime d’une humanité aux pieds d’argile… Vengeance pour tout ce qu’on lui fait subir ? Difficile d’imaginer ces animaux sans la moindre défense fomenter des plans machiavéliques pour faire payer à l’homme ses crimes. Justice immanente, alors ? Allez savoir…

En tout cas, il y a fort à parier que le petit pangolin n’en retirera, hélas, aucun bénéfice. Pourchassé, massacré, il l’est et il le sera encore davantage. Qu’on l’apprécie ou qu’on le rejette, sa seule vocation serait, à ce qu’il semble, de se faire assassiner. D’ici quelques années, le Covid-19 sera peut-être encore parmi nous, mais le petit pangolin, lui, où sera-t-il ?