Il était une fois deux petits lapins…

 

Myrtille adore les petits lapins. Toutes les autres bêtes aussi, bien entendu. Mais les petits lapins la bouleversent. Et elle les connaît comme personne. Pour La Griffe, elle raconte l’histoire de Chess et Floc (Chesnut et Flocon pour l’état civil)…

 

Cages de verre, néons, agitation et brouhaha des employés, défilé des clients, visages grimaçants des enfants collés à la vitre, doigts pointés, toc-tocs incessants, mains qui se tendent, manipulations, exhibitions… C'est le quotidien d’une douzaine de lapins nains mis en vente dans cette animalerie, tous plus tendres et mignons les uns que les autres, au regard inquiet mais se recherchant pour jouer, se lécher, histoire de se rassurer les uns les autres…

Àcôté, un chinchilla dans sa prison de verre, immobile, triste. Et, plus loin, une douzaine de souris blanches qui vont et qui viennent, grattant la paroi transparente, s’attardant dans les coins pour chercher un trou, une fissure par où s’enfuir, espérant peut-être un peu d’air frais et un petit trou vers la liberté… Des hamsters, cochons d’Inde, un écureuil de Corée, désemparé, et –très « tendance »–, de petits octodons (ou dègues du Chili, dits aussi dégus)

Plus loin encore, derrière les grilles, une multitude d’oiseaux multicolores, un petit perroquet mutique, des perruches serrées les unes contre les autres, de jolis oiseaux « d’ornement ». D’ornement aussi ces petits poissons colorés, qui se croisent et se bousculent dans leur environnement artificiel…

Des pancartes pour les désigner joliment : « lapin nounours », « lapin angora », « lapin panda », « lapin lion », et pour annoncer leur prix. Monnayer, commercialiser des êtres vivants selon leur poids, leur âge, leur caractère, leur force, leur beauté, leurs couleurs, leur denture…. Le marché aux esclaves existe toujours. Sauf que ceux-ci auront peut-être un peu plus de chance que ceux qui sont voués à l’abattoir.

 

Ils ont fonction d’ornement mais aussi de jouet… Les enfants sont attirés par ces peluches vivantes…

 

Au mieux, ils seront choyés, soignés, stérilisés et disposeront d’une véritable place dans la famille, tout comme le chien ou le chat. Ils pourront alors s’épanouir, dévoiler leur individualité, séduire et communiquer avec les humains, montrer leur sensibilité, leur attachement, leur intelligence. On pourrait alors se sentir presque reconnaissant envers ces animaleries qui auront permis de découvrir un autre être que le lapin gibier, cet animal-aliment, un rongeur par ailleurs habituellement étiqueté comme nuisible, sale et proliférant. La plupart de ceux qui ont partagé leur vie avec des lapins disent ne plus pouvoir en manger. La viande de lapin serait-elle en passe de devenir tabou elle aussi, tout comme celle du chien ou du chat ?

 

Mais, au fait, que deviennent tous ces jolis petits animaux lorsqu’ils n’ont pas trouvé acquéreur ? Les responsables d’animalerie interrogés se veulent rassurants, avec toutefois dans la voix une pointe d’arrogance, d'agacement, voire de mépris lorsqu’ils sont interrogés à ce sujet, et répondent qu’il n’y a JAMAIS d’invendus…

Et puis ceux qui achètent ce genre d’animal, disent-ils, en prennent soin car il possède une valeur marchande… Ce qu’ils ne disent pas c’est qu’à « l’usage », il coûte très cher : le mignon petit lapin nécessite énormément de soins et d’attention, de dépenses pour l’hygiène, la nourriture, le confort, contre les maladies…

Et du coup, les refuges commencent à accueillir un nombre inquiétant de ces NAC (nouveaux animaux de compagnie) : chinchillas, écureuils de Corée, lapins, octodons, serpents, rats…

 

Dans les animaleries, la plupart des animaux ne sont pas « chers »… Autant dire qu’ils ne valent pas grand-chose. Gare à eux s’ils tombent entre de mauvaises mains ! Quantités négligeables et négligées, jouets vivants, souffre-douleur… Comme Milie et Stella, deux lapinettes angora traumatisées par les manipulations excessives, les bruits, l’agitation. Elles ont eu la chance d’avoir été tout de même déposées en refuge puis adoptées. D’autres sont tout simplement lâchés dans la nature. Ils n’ont alors aucune chance de survivre.

Beaucoup d’animaux issus des animaleries sont déjà porteurs de maladies qui, ensuite, font la vie dure aux personnes qui les ont achetées, du moins si elles se soucient de vouloir les guérir… Cela laisse imaginer quelles ont été leurs conditions d’élevage.

 

 

Deux rescapés

Chess et Floc, deux petits rescapés parmi des millions…. Petites bouilles innocentes, curieuses et prêtes à vous aimer, à vous faire rire, à vous montrer leurs pirouettes, leurs bonds de gazelle, leurs cabrioles, comment ils peuvent vous faire la fête, comment ils savent sourire et même rire….

 

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                    Chess, le « lapin-lion » et le petit Floc, blanc comme neige.

 

Floc, avec sa pancarte « LAPIN PANDA » ou « LAPIN NOUNOURS » ainsi que Chess, labellisé « LAPIN LION », ont séduit des gens. On les a fourrés dans un carton à trous, sans ruban (Noël était passé), on a prodigué deux ou trois conseils et hop, pesés, embarqués.

Chess et Floc n’ont pas été maltraités, loin de là… Ils ont d’un coup, d’un seul, découvert un espace immense (entassés qu’ils étaient jusqu'alors avec dix autres lapins) : une chambre pour eux tout seuls ! Découverte de l’espace, joie de pouvoir sauter sur un tabouret, sur un fauteuil, se cacher sous un meuble, courir de long en large… Faire des pirouettes ! Enfin de l’espace digne d’un petit lapin qui a besoin de bouger, courir, sauter, se muscler…

Ces humains qui aiment vraiment beaucoup les animaux, contents de les avoir sauvés d’un avenir douteux et d’une cage en verre, étaient bien occupés par ailleurs et s’apercevaient à peine que Chess et Floc n’avaient plus d’eau fraîche dans leur bol depuis plusieurs jours et qu’ils avaient terminé leur granulés depuis plusieurs jours aussi, que leur endive avait été totalement grignotée, et que leur bac débordait de pipi et de pétoules, qu'ils respiraient l’ammoniaque, irritant leur appareil respiratoire (très fragile chez les lapins), et qu'ils commençaient à faire des crottes et des pipis un peu partout, faute d’avoir une litière changée et propre.

Peu à peu, l’enthousiasme débordant de ces adorables bestioles s’amenuisait ; ils étaient moins actifs, plus prostrés, dans l’attente, et de nouveau dans l’inquiétude…

Ils avaient faim. Leurs dents qui poussent sans arrêt ont besoin d’être usées… Leur appareil intestinal a besoin d’être stimulé (sous peine de mort rapide)… Ils ont des besoins spécifiques à leur espèce et ces gens ne l’avaient pas du tout appréhendé.

Les propriétaires se sont finalement rendu compte qu’il fallait du temps pour s’occuper d’un animal, ne serait-ce que d’un tout petit lapin. Que non seulement il convient d’entretenir une propreté et une hygiène minimum, qu’il faut donc investir dans des litières non irritantes, non toxiques, non poussiéreuses, dans du foin adapté, qu’il faut savoir doser en fonction des besoins de l’espèce, des légumes variés et frais, bio de préférence, un peu de granulés en complément éventuellement… Qu’il faut stériliser et castrer les lapins pour éviter les désagréments. Pour leur tranquillité et leur confort, pour éviter les maladies et le stress qui s’ensuivront inévitablement, il faut vacciner, prévenir les rhinites, pasteurelloses, etc. Qu’un lapin doit manger ses caecotrophes, qu’il doit avoir toujours de belles pétoules rondes, bien formées…

Bref, ces gens-là se sont soudain inquiétés de leur incurie et, avouant honnêtement ne pouvoir s’occuper de leurs lapins, ont cherché à les placer ailleurs….Et pourtant ils les aimaient bien quand même, eux, au moins.

 

Chess et Floc sont maintenant heureux, ils disposent d’un enclos dans le jardin où ils peuvent s’ébattre, creuser, brouter de l’herbe, grignoter des branchages, sauter, courir, bondir, et ils ne s’en privent pas !

Ils disposent d’une pièce pour eux tout seuls (les lapins sont territoriaux, impossible de les mélanger dorénavant avec les autres lapins de la famille : cela aussi est une contrainte…) où ils ont, à volonté, du bon foin bio spécial lapins, à volonté également, une litière changée et propre tout le temps, des carottes, céleris branches, endives, fenouils, persils, fanes, parfois épinards (très peu), herbes diverses… Pour l’alimentation, voir les aliments bons ou néfastes pour eux sur le site de Marguerite et Compagnie.

Chess et Floc ont ainsi l’occasion de stimuler leur intelligence, leur curiosité ; ils sont en demande d’échange, de présence, de complicité, et ressemblent enfin à des lapins heureux.

La seule obligation immédiate est de les faire castrer… car à la maturité sexuelle, ils peuvent devenir agressifs, se mutiler entre eux, et ils font des jets d’urine et de crottes absolument partout.

C’est pour cela que leurs maîtres ont demandé de l’aide à La Griffe qui a bien voulu accepter de participer à leur sauvetage et leur accueil, en aidant financièrement à leur castration.

Chess et Floc nous exhortent à réfléchir à la façon d’aider tous les animaux, y compris leurs petits frères et s?urs de toutes espèces en vente dans les animaleries….

Aider à faire changer l’éthique de ces dernières serait un grand pas vers la reconnaissance de l’animal en tant qu’individu et non en tant que « produit » (*)…

 

Voir le site de l’association pour la protection du lapin de compagnie, pour bien s’occuper de son lapin.

Et surtout : les associations et les refuges ont de nombreux lapins orphelins à faire adopter…

 

 

 

Animalement vôtre,

Myrtille et JMDLL (les humains qui ont accueillis Chess et Floc), adhérents de LA GRIFFE.

 

(*) On peut rêver… (note du gestionnaire du blog)