Un jour de décembre, sur un chemin, dans le Puy-de-Dôme, entre Davayat et Beauregard-Vendon...

Un jour de décembre, sur un chemin, dans le Puy-de-Dôme, entre Davayat et Beauregard-Vendon…

Le renard est rusé… Dans notre frénésie à vouloir charger les bêtes de toutes les tares et de tous les vices humains – neuf fois sur dix, ou peut-être même 99 fois sur cent, les métaphores animalières ne s’expriment-elles pas aux dépens des animaux ? – ce que nous avons réservé à ce magnifique animal, c’est un petit mot de quatre lettres qui résume à lui tout seul la traîtrise, la dissimulation, la fourberie, le mensonge, la lâcheté aussi… Puisque l’on n’a recours à la ruse que lorsqu’on ne peut ou ne veut faire front.

Mérite-t-il cela, ce petit canidé intelligent et solitaire, dont la vie est une lutte permanente pour la survie, menacé qu’il est par le pire des prédateurs, l’homme ? Dans un petit livre publié aux éditions Droits des animaux, Pour la séparation de la chasse et de l’Etat, Armand Farrachi écrit, faisant référence aux nombreux lâchers d’animaux élevés dans des enclos, à la veille de la saison de chasse : « Comme ils (les chasseurs, NDR) ne veulent pas que leur argent soit perdu, ils exigent que les petits prédateurs, qui leur font concurrence, soient classés nuisibles. C’est une logique de destruction. Et puis, le renard provoque chez eux de véritables crises d’hystérie. C’est à voir, une fois, si vous en avez l’occasion. C’est aussi ce qui me rend le renard sympathique. » Pour voir, pas difficile : il suffit d’aller sur Internet. Les chasseurs adorent se filmer dans leurs œuvres…

Non, les chasseurs n’aiment pas les renards. Ils le disent à qui veut l’entendre. Comme ils sont bien obligés de justifier cette haine viscérale, ils usent de quelques stratagèmes. La rage en fut un. Mais il fallut en changer avec son éradication en France. Fort heureusement, on a trouvé autre chose, une maladie horrible s’il en fut, parce que transmise par un ver qui a franchement une sale gueule. Un parasite interne ! Pouah ! Et le renard serait l’hôte de choix de cette bestiole qui nous rappelle le vilain serpent d’Eve, celui-là même qui l’a incitée à croquer la pomme et à foutre en l’air le paradis terrestre dans lequel, s’il n’y avait eu ce salopard de serpent, nous vivrions encore aujourd’hui (*)… L’échinococcose a fait son entrée. Avec un nom pareil, pas de risque de se faire oublier. Notre renard risquerait donc de contaminer l’ensemble de la planète s’il n’y avait les chasseurs, qui en peu de temps et avec un lobbying bien mené, grâce à des élus favorables ou muets (le groupe d’Etudes chasse et territoire, autrement dit le « groupe chasse » de l’Assemblée nationale rassemble tout de même 117 élus, sur les 577 que compte l’Hémicycle, soit 20 % environ, alors que les chasseurs en France ne représentent que 1 ou 2 % de la population, cherchez l’erreur…), ont réussi à se faire passer pour les chevaliers modernes, toujours prêts à prendre les armes pour défendre le citoyen innocent livré aux attaques de la Bête immonde (ce peuvent être aussi le sanglier ou, désormais, le loup et l’ours). De plus, les médias raffolent de ces va-t-en-guerre cachant sous leur tenue de camouflage vert kaki de vraies valeurs viriles d’audace, d’endurance, de camaraderie… Ils se baladent avec, sous le bras, des armes lourdes, traitent souvent leurs chiens d’une façon qui s’apparente, si on considère les termes de la loi, à des mauvais traitements. A l’occasion, ils flinguent un quidam qui a eu la malencontreuse idée de passer par là (une vingtaine d’accidents mortels par an) et ils ne doutent jamais de rien… Mais ils sont les nouveaux sauveurs de l’environnement, de la biodiversité, donc de l’humanité. Ils approvisionnent généreusement les clubs du troisième âge en leur offrant les cuissots de sangliers ou de chevreuils dont ils ne savent plus que faire et qui encombrent leurs congélateurs. Saint Chasseur…

Pour revenir à la haine qu’ils vouent au renard, ils veulent absolument qu’elle éclate au grand jour, ils veulent la signer, nous la coller sous le nez, et gare à celui qui ne partage pas leurs vues. Lorsqu’il est question de renard, leur goût pour la mort se trouve d’un seul coup décuplé. Voilà pourquoi, au détour d’un chemin fréquenté par des promeneurs, on tombe sur un spectacle tel que nous le montre la photo en tête de page… Cette scène abjecte a été photographiée en décembre 2014 par un adhérent de La Griffe, qui nous l’a transmise. Les auteurs de cette mise en scène habitent le Puy-de-Dôme. La photo a été prise sur la commune de Beauregard-Vendon ou Davayat (on ne sait exactement où se situent les limites de l’une et de l’autre). Le ou les auteurs de ce massacre ont loupé une belle carrière artistique. Dans un souci compréhensible d’esthétique, ils ont ajouté le petit « plus » qui tue : un objet en plastique blanc coincé entre les deux cadavres, et qui sans doute est censé ajouter une note fantaisiste et joyeuse à l’ensemble !

Que dire devant telle scène qui, hélas, n’est pas rare puisqu’on en trouve à foison dans les pages des quotidiens régionaux, et sur internet, qui est devenu un autre terrain de chasse ? Notre chagrin, notre révolte, notre incompréhension…

La Griffe, qui adhère au Collectif du 21 Septembre contre la chasse et le piégeage, s’engage contre ces pratiques ignobles. Les renards sont nos amis, de même que les sangliers, les ours les loups, les lapins, et d’une manière générale tous ceux qui sont les proies des « chassassins », comme les nomme Gérard Charollois, auteur de Pour en finir avec la chasse, aux éditions des Radicaux libres.

Que ces deux petits renards victimes de la sauvagerie des hommes, du moins de quelques-uns, reposent en paix… Viendra bien un jour où tous les petits renards du monde pourront vivre sans se cacher…

A propos du renard, on peut regarder le très beau et très intéressant film de Franck Vigna, L’odeur de l’herbe coupée, sur le site de l’Aspas.

Joss Barn

(*) La Griffe précise qu’elle n’a rien contre les serpents, bien au contraire.