Gwada, ou la dernière nuit de l'iguane

 

Elle avait six ans. C'est jeune pour un animal dont l'espérance de vie est d'environ quinze années. Mais il était trop tard pour Gwada, la petite iguane. Un an de manque de soins ont eu raison de sa volonté de vivre. Sa dernière nuit, elle l'a passée à se battre contre la mort, chez le vétérinaire où l'avait conduite la correspondante locale de l’association Récup' Iguane? Un combat qu'elle a perdu au petit matin. Cela se passait dans le Puy-de-Dôme, dans une commune au sud de Clermont-Ferrand, en novembre 2010.gwada 010 (1)

 

Gwada, de l’espèce des iguanes verts (iguana iguana), fait partie de ces animaux dont le commerce ne connaît pas de limites. Achetés pour une bouchée de pain, ils sont souvent abandonnés dès qu’ils deviennent adultes…

L'histoire de Gwada est banale et triste. L'iguanette avait été achetée par un jeune homme qui l'a gardée pendant cinq ans, et cette cohabitation semble avoir été plutôt heureuse. Mais le garçon est tombé amoureux, et le reptile était de trop. Il a confié Gwada à ses parents, avec l'intention de la revendre plus tard. Mais dans son nouveau foyer, l'on n'a pas su, ni vraiment cherché sans doute à lui fournir ce dont elle avait besoin.

C'est difficile de garder un iguane, ça n'est ni un chat ni un chien. Il faut à cet animal tropical beaucoup de chaleur, dans un terrarium équipé de lampes spéciales. Une nourriture adaptée est également nécessaire. Si, à l'achat, ce n'est pas ruineux, en revanche, son entretien nécessite quelques efforts financiers, comme l'explique Béatrice Carton, vice-présidente de Récup'Iguane.

« En Amérique latine, les bébés iguanes sont vendus deux ou trois euros. Ils sont revendus à Paris quinze ou vingt fois plus cher. Du fait que leur possession ne nécessite pas de certificat de capacité, ils ont un gros succès auprès des clients des animaleries. Ce que les vendeurs ne disent pas, c'est qu'il y a environ 1.000 euros de frais supplémentaires pour leur installation, qu'ils peuvent atteindre à l'âge adulte 1,50 m et que certains peuvent mordre. »

En novembre dernier, l'association Récup'Iguane a reçu un appel de la mère du propriétaire de Gwada. Elle s’inquiétait enfin, voyant son état se dégrader de jour en jour. Très vite, le processus de sauvetage s'est mis en place et le surlendemain de l'appel, une bénévole venait chercher Gwada pour l'emmener chez un vétérinaire spécialiste des nacs (*) qui – ironie du sort – se trouvait non loin de là.

On a constaté que Gwada n'arrivait plus à se tenir sur sa branche, que ses forces étaient anéanties. Elle souffrait de malnutrition grave, d'une occlusion intestinale, d'une insuffisance rénale chronique? Elle était en extrême détresse et devait être opérée. Mais elle n’a pas survécu à cette dernière bataille. Pour la petite histoire – mais qui le croira ? – Gwada a montré, envers la jeune femme qui s’en est occupée en la réchauffant même dans ses bras pendant une nuit entière, des marques évidentes d’attachement…

Les reptiles ne sont pas vraiment de notre famille, à nous les mammifères. Nous ne savons pas toujours percevoir leur souffrance. Ils sont silencieux. Il n’en demeure pas moins qu’ils ne sont pas des jouets. Il est scandaleux que ces animaux soient arrachés à leur milieu, exploités, maltraités, voire martyrisés.

L'association Récup'Iguane est née en avril 2009 de la volonté de quelques passionnés, dont Béatrice Carton, qui vit en Guadeloupe, les autres membres de l'association résidant tous en Métropole. Béatrice connaît bien les iguanes. Dans l'île, iguana iguana(iguane vert) est bien représenté. Il est encore protégé, mais l'association redoute un éventuel déclassement. Enfin, protégé, c'est beaucoup dire. « Sur Internet, on en trouve partout. La Floride les exporte en grandes quantités. On les consomme aussi, là-bas. Ici, les gens les écrasent volontairement, ils sont victimes d'actes de cruauté? »

L'association met toute son énergie à dissuader les gens d’acheter des iguanes verts, à essayer de les sauver, à replacer ceux dont les propriétaires ne veulent plus, et puis à informer le public sur des animaux qui peuvent être attachants et n'ont pas à être traités comme de vulgaires objets. « On voudrait que les lois changent, que l'acquisition d'un iguane soit plus difficile, qu'ils soient mieux protégés? »

Pour que l’avenir n’apporte pas la dernière nuit des iguanes verts…

 

                                                                                                                                                         Jeph Barn.

(*) Nouveaux animaux de compagnie.