C’était un petit cheval blanc…

 

Le samedi 14 mai 2011, Pago, un poney de 14 ans, était retrouvé au matin par sa propriétaire et amie, Émilie, baignant dans son sang. Pago avait été égorgé et mutilé. Ceci se passait dans un village paisible du Puy-de-Dôme, La Moutade…

 

Émilie avait quitté les chevaux la veille au soir, après avoir soigné Pago, le poney qui souffrait de fourbure, sa jument et la jument « trait breton » qu'elle hébergeait et qui appartenait à l'association SOS Cheval. Le lendemain matin, samedi, peu avant sept heures, elle était de retour. Tout de suite, en arrivant devant le pré, elle a vu que quelque chose clochait : les barrières étaient ouvertes. Elle a aperçu les deux juments, mais de Pago, point. Pourtant dès qu'il entendait la voiture, il venait à sa rencontre. C'était entre eux un petit rituel bien rodé. Ils en avaient d’autres, car leur complicité était immense. Àce moment-là, une angoisse sourde a dû commencer à l'envahir. La jeune femme a traversé le pré, se dirigeant vers le box du poney blanc. Il était là. Était-il encore reconnaissable, le si joli petit cheval immaculé aux yeux bleus ? Ce n'était plus qu'un tas de chairs sanglantes. On l'avait égorgé. Mais pas seulement. « On » lui avait aussi coupé les membres. Et « on » les avait emportés. Ce spectacle, il est probable qu'il restera gravé à jamais au fond du regard d'Émilie, au fond de sa mémoire, et que désormais, elle devra vivre avec ce cauchemar-là.

 

 

Le bonheur dans le pré

Émilie avait récupéré Pago treize ans plus tôt. « Il avait quinze mois, c'était encore un poulain », dit-elle. Un maquignon l'avait ramené d'Espagne, avec sa maman. La ponette était morte pendant le transport et Pago était resté orphelin. Le maquignon l'avait oublié au fond d'un pré. Il y était resté de longues semaines, sans soins, rongé par la teigne et autres parasites. Il dépérissait. Il devenait indésirable. Un jour, pour ne pas tout perdre, le maquignon a décidé de l'emmener à l'abattoir. Par hasard, Émilie, qui cherchait un petit compagnon pour sa jument qui s’ennuyait toute seule, a entendu parler de lui…

Pour Pago, une autre vie a commencé. Finies la solitude, la misère, la tristesse, la maladie. Le petit cheval avait trouvé une amie, et en même temps le goût de vivre? Le bonheur dans le pré pour de nombreuses années. Jusqu'à cette atroce nuit de mai où les brutes sont arrivées?

Pago 4

                                                           Émilie et Pago : la tendresse et la complicité.

?

Bien sûr, Émilie s'est précipitée à la gendarmerie. Les gendarmes sont venus faire un constat. Constater l'horreur. L'un d'eux : « J'ai pas mal d'années de gendarmerie derrière moi, je n'avais encore jamais vu ça? » Pour eux, il ne faisait aucun doute que le poney avait été tué pour la viande, parce que les salopards qui l'ont démembré avaient visiblement quelques notions assez précises de découpe. Oui, c'est ce genre de détails sordides que l'on doit retenir, si l'on veut avoir la plus infime chance de retrouver les assassins? Que l'on ne retrouvera d’ailleurs sans doute jamais. Car, quand il s'agit d'une bête, on ne pousse pas très loin les investigations. Il n'y a pas de scène de crime, pas de police scientifique passant au peigne fin tous les indices? Pas de traces ADN. Rien que quelques supputations dont on ne fait pas état, en l'absence de certitude. Alors on attend que peut-être les langues se délient, que quelqu'un dise quelque chose, qui sera répété, et puis… Et puis quoi ?? Rien. Impunité pour les tortionnaires des bêtes.

 

Un « dommage collatéral »

Certains d'entre nous ne comprendront jamais ce qui peut pousser un être humain à commettre de telles horreurs. Parce que là, il n'est même pas question de folie meurtrière, de pathologie, mais d'un acte froid, prémédité. Les êtres frustes, les brutes cupides qui ont martyrisé Pago sont sans doute totalement inaccessibles à la moindre compassion. Et le pire, ce qui nous stupéfait et nous dégoûte, c'est que nous appartenons à la même espèce qu’eux? Ce sont nos frères, en quelque sorte.

Nous considérons que le meurtre de Pago est marqué au sceau de la plus extrême violence, bien pire qu’une banale sauvagerie. Ce qui est indéniable. Mais n’acceptons-nous pas que des actes similaires soient commis à l'abri des regards, derrière les murs opaques des abattoirs ? Traitons-nous pour autant ceux qui y travaillent de brutes ? Ce serait assez injuste, dans la mesure où la plupart d'entre nous ne dédaignent pas leur escalope de veau, leur gigot d'agneau, leur côte de porc? Car il y a une véritable hypocrisie à voir certaines choses, à en occulter d'autres. Complices, voilà ce que nous sommes… Les carnivores ordinaires sont à l'origine de meurtres parfois aussi cruels que celui dont a été victime Pago. Le carnivorisme a sans doute tué Pago. Mais, en principe, les animaux sur lesquels s'exerce cette absolue violence n'ont pas de nom, pas d'ami. Pago, il avait Émilie. Émilie avait Pago. Et c'est pour cela qu'on se souviendra de lui, parce que quelqu'un l'aimait et ne voulait pas qu'il meure. Pas comme ça.

Alors, à travers le supplice du petit cheval blanc, c'est le supplice de tous les autres qui apparaît comme en filigrane. Pago est un «
 dommage collatéral » du carnivorisme.

Pago restera dans nos mémoires, à nous aussi. C'est pour que tous les Pago de la Terre vivent en paix, à l'abri de la brutalité et de la peur, que nous nous battons.

 

C’était un petit cheval blanc

Qu’il avait donc du courage

C’était un petit cheval blanc

Tous derrière et lui devant….

 

… chantait Georges Brassens (poème de Paul Fort).

 

La Griffe a déposé une plainte contre X pour « sévices graves et actes de cruauté envers un animal ».

Chaque année, 18.000 chevaux sont conduits à l’abattoir, en France.

 

                                                                                                                                                                                     Jeph Barn