On est tranquillement assis devant son ordinateur, à traiter les affaires courantes, élaguer la messagerie, répondre à quelques courriels, visionner quelques photos… Il n’est pas tout à fait 18 heures, et on a le temps d’avancer encore un peu dans le traitement de tout ce qui peut constituer le quotidien d’une association comme La Griffe…

Le téléphone, posé à côté de la souris, se met à vibrer et à sonner méchamment. On décroche. A l’autre bout du fil, on a Madeleine (*) une adhérente : le fils de son compagnon s’est donné la mort la nuit dernière, laissant derrière lui trois chiens… Horrible. On a du mal à imaginer. Quels tourments, quelles souffrances, quel désespoir peuvent conduire à  ce geste ultime ? Lorsque Madeleine évoque les chiens, je me dis qu’elle va nous demander d’intervenir pour ces animaux qui, tout à coup, se retrouvent orphelins. Sans attendre la question, je sais que je dirai oui.

Mais la suite me glace : mon interlocutrice m’explique que le côté droit du visage de la victime montrait des plaies que l’on avait imputées à des morsures de chiens. Les trois animaux, Billy, J’Kid et Junior (*) avaient donc été, sur réquisition du procureur de la République, immédiatement après la découverte du corps, conduits en fourrière, sans que personne, même pas la famille, ne pût intervenir pour empêcher cela… Accusés d’avoir attenté à l’intégrité d’un corps…

Au-delà de la tragédie que constitue la disparition d’une personne encore jeune, se précisaient pour nous les contours d’un autre cauchemar. Les chiens étaient condamnés, sans la moindre précaution, sans la moindre nuance, sans la moindre vérification. Ils n’avaient même pas l’excuse de la faim, puisqu’ils n’étaient restés avec le cadavre que quelques heures, une nuit au plus. Mais que fallait-il voir, que fallait-il comprendre dans ces « morsures » ? De quelle gravité étaient-elles ? De quel comportement mystérieux pouvaient-elles être le signe ? Immédiatement, je pensais à une tentative des chiens d’avoir voulu réveiller leur maître inerte, à coups de patte, donc de griffe, comme certains le font souvent lorsqu’on ne s’intéresse pas à eux, et qu’ils y avaient mis tellement d’obstination qu’ils avaient fini par déchirer la chair… Mais je mesurais aussi à quel point la vision du visage défiguré pouvait réveiller des hantises archaïques, irrationnelles, fruits d’un cerveau reptilien toujours prêt à déployer ses forces obscures, chez les policiers, les juges, et tous ceux qui étaient sur l’affaire ce jour-là.

Mangeurs d’homme…

C’était clair : ces chiens « mangeurs d’homme » étaient en grave danger. On allait très vite voir monter l’émotion liée à cet acte : manger de la chair humaine, pour nous, est le tabou absolu (paradoxal, lorsque nous dévorons allègrement la chair des autres espèces sans le moindre état d’âme). A l’instar de l’inceste, il est inconcevable. Nous avons perdu la mémoire de certains pans de notre préhistoire, voire de notre histoire récente, qui portent la trace d’actes cannibales… Mais cela est très loin, dans le temps ou dans l’espace, et très épisodique, notamment, à ce qu’il paraît, chez certains peuples oubliés, perdus au plus profond de l’immensité des forêts équatoriales. On allait faire à ces chiens un procès en sorcellerie, ni plus ni moins. Et cela, à La Griffe, nous révulsait ! Non seulement ceux qui auraient dû, de par leur fonction, garder leur sang-froid et essayer de comprendre, se sont apparemment laissé aller à des réactions d’obscurantisme surprenant, mais encore il fallait faire payer de pauvres bêtes innocentes, sans essayer une seconde de comprendre ce qui s’était passé, tout cela à cause d’images… De représentations. Les chiens, dans cette affaire, faisaient eux aussi partie des nombreuses victimes… Le défunt, mais aussi la famille, les amis… Les chiens, eux, avaient perdu un maître, un compagnon, qu’ils adoraient, avec lequel ils entretenaient -cela nous le savons de source sûre- des liens très forts, quasi fusionnels… Mais qu’importait cela ? Ils avaient transgressé -crime suprême – un tabou. C’est ainsi que j’ai entendu ce soir-là, au téléphone, de la part d’un interlocuteur dont par charité je préfère oublier le nom, « ils ont mangé de la chair humaine, ils en mangeront encore, c’est fini pour eux ! » Toute plaisanterie mise à part, je ne pensais pas que la chair humaine fût un mets si fabuleux qu’il produise le même effet qu’une drogue dure. En fait, je pensais même le contraire ! Les sociétés parfois, pour se défendre contre leurs fantasmes, contre leurs démons imaginaires, désignent des boucs-émissaires. Ce sont eux qui sont sacrifiés, permettant ainsi au groupe de conserver sa cohésion. Le phénomène est bien connu des ethnologues, des sociologues également, car, s’il n’est plus « officiel », ni légitime, il a tout de même encore aujourd’hui droit de cité de façon clandestine, il agit sans dire son nom, dans le cadre social, relationnel, professionnel, familial… Là, c’était clair, les trois chiens allaient devoir remplir cette abominable fonction. On confie souvent aux chiens le rôle de bouc-émissaire. Leur attachement inconditionnel à l’homme les rend particulièrement vulnérables, beaucoup plus que n’importe quel autre animal.

Immédiatement, il s’agissait de joindre toutes celles, tous ceux, associations, avocats, juristes et autres, qui pouvaient être d’un quelconque secours. On ne savait pas à quel niveau, mais il fallait en urgence jeter des bouteilles à la mer. Ce soir-là, à part de rares exceptions, les retours ont été au mieux décevants, au pire totalement décourageants. Un avocat nous assénait : « Le substitut du procureur a vu les photos. Laissez tomber, il n’y a rien à faire, les chiens vont être euthanasiés ». Ce que l’on a su plus tard, c’est qu’une telle décision immédiatement appliquée aurait été contraire à la loi. Comment aurait-il été possible qu’un procureur, d’après cet avocat (qui se pique de surcroît de s’intéresser à la cause animale), n’en tienne pas compte ? Mais nous ne savions pas grand-chose de cette loi, ni des recours qui nous permettraient de sauver ces chiens. Et nous ne trouvions personne pour nous renseigner… Il est vrai que la situation était inhabituelle…

Il fallait s’accrocher. Il était hors de question de laisser tuer ces chiens sans se battre. Nous savions que l’euthanasie, si euthanasie il devait y avoir, ne serait pas effectuée pendant la nuit. On n’en est pas encore aux exécutions capitales à l’aube… Les vétérinaires ont des horaires de gens « normaux », de même que les juges et autres représentants de la sacro-sainte administration.

Le lendemain, on a réussi à savoir, par quelques complices bien renseignés, que les chiens étaient encore en vie… Étant à la veille d’un long week-end, on avait deux ou trois jours pour fourbir nos armes, s’adresser aux bonnes personnes, celles qui ne se déclareraient pas vaincues au premier coup de semonce.

Chien « mordeur » et chien « dangereux »

C’est ainsi que nous avons eu l’idée d’appeler une avocate qui est toujours présente lorsqu’il s’agit de défendre la cause animale. Elle, elle ne fait pas semblant. Aussi brillante qu’efficace, elle ne cesse d’étonner par sa gentillesse et sa disponibilité. Nous savons pourtant qu’elle est débordée.

Elle nous rassure. Pas de panique. La loi de 1999 sur les chiens dangereux, qui aurait peut-être pu, il y a quelques années, condamner à mort ces chiens sans autre forme de procès, a été tellement aménagée que, désormais, elle serait presque « protectrice ». Ces chiens ne peuvent être mis à mort, sauf en cas de « danger grave et immédiat » -ce qui n’était pas le cas ici-, et encore, il n’est pas question, même dans ce cas de figure, de toucher un seul de leurs poils avant qu’il se soit écoulé 48 heures. Et pas question non plus de confondre « chien mordeur » et « chien dangereux ». La loi est claire : ayant mordu, ils doivent être réquisitionnés en fourrière pendant quatorze jours. A l’intérieur de ce laps de temps, ils doivent subir ce que l’on appelle des « visites mordeur » afin de vérifier qu’ils ne sont pas atteints de la rage. Enfin, ils ne peuvent être détenus au-delà de ces quatorze jours si l’évaluation comportementale à laquelle ils seront vraisemblablement soumis ne débouche pas sur une demande d’euthanasie de la part du vétérinaire qui les aura examinés l’un après l’autre. Et même dans ce cas, des recours sont possibles.

Nous nous sentons soulagés, mais si toute menace imminente est écartée pour l’instant, il n’en demeure pas moins qu’elle est encore présente. Nous n’oublions pas ce que nous a déclaré notre avocate : « Le maire ne peut pas prendre d’arrêté d’euthanasie dans l’immédiat, c’est juridiquement impossible. Mais certains maires veulent faire vite, passent outre la loi et font piquer les animaux… ». Nous nous méfions, ne connaissant les intentions ni des uns ni des autres, et d’autant plus que les murs des fourrières, comme de la plupart des lieux de détention, sont totalement opaques…

En tout début de semaine, à la première heure, trois courriers étaient apportés au maire de Clermont-Ferrand. Celui de la famille de S., dont les membres devenaient de droit détenteurs et propriétaires de ses deux chiens, celui de Nathalie, de l’association Adoptions sans frontière, à qui appartient officiellement le labrit, et celui de La Griffe. Un courriel rappelant la loi devait suivre dans la foulée, envoyé par notre avocate au maire et à la première adjointe. Ainsi, nous avions paré au plus urgent.

Le même jour, Nathalie tente un premier coup de fil à la fourrière. On lui répond laconiquement que tout va bien.

Junior

LG Junior libéré 5Tout va bien, c’est à voir… Si Billy et J’Kid, les deux chiens de S., qui sont apparemment équilibrés et gentils, devraient pouvoir supporter leur détention, et passer sans problème le test de l’évaluation comportementale, il n’en va pas de même pour Junior…

Junior, un labrit (petit berger pyrénéen) est né début février 2014 dans un élevage. A deux mois, il a été acheté par une femme âgée, qui souffrait de surcroît de problèmes de mobilité. Il n’a reçu aucune éducation, mais a dû se prendre des coups de cane lorsqu’il faisait des bêtises. Il avait neuf mois lorsque sa propriétaire s’en est débarrassée en le confiant à l’ASF qui elle-même l’a placé en famille d’accueil chez S. Il semble qu’il ait réussi à faire avec lui du très bon travail. Junior commençait à apprendre les bases d’une bonne éducation, mais il était toutefois resté vulnérable, très craintif et volontiers « chiqueur ».

Voici un exemple criant de ce que font la plupart des élevages (qui tiennent généralement davantage de l’usine que de la nursery). Comme il y a saturation du marché, ils bradent leurs animaux. Et ils confient n’importe quel type de chien à n’importe qui. Les labrits sont des bergers, des « chiens de travail ». Ce sont des animaux débordant d’énergie et de vitalité. Ils sont génétiquement sélectionnés pour courir pendant des heures et rassembler les troupeaux. Ils se servent à l’occasion volontiers de leur mâchoire pour rappeler à l’ordre les récalcitrants. Ce ne sont pas à proprement parler des morsures, mais plutôt des coups de dents. Comment ne pas comprendre que, dans des situations de stress, et sans une solide éducation derrière, ils n’adoptent pas le même comportement envers celle ou celui qui représente pour lui un danger, une sanction qu’il ne comprend pas et n’est pas prêt à accepter ? Pourquoi avoir confié un tel chien à une femme qui, de toute évidence, n’était pas apte à s’en occuper ? Voilà comment on remplit les refuges, et pire encore : les congélateurs des refuges et des fourrières. Rééduquer un chien, c’est possible. Mais combien de mois, voire d’années, d’efforts faudra-t-il ? Ils sont très rares ceux qui ont l’envie et les capacités de faire cela. Il est criminel désormais de ne pas exiger un strict contrôle des naissances pour les animaux de compagnie, de ne pas fermer la plupart des élevages, de laisser les particuliers se faire de la « gratte » sur le dos de leur animal en laissant naître des portées qu’on brade ensuite sur leboncoin.fr, et dont certains individus finissent aux mains de voyous, de tortionnaires ou d’abrutis qui, eux, ne sont jamais sanctionnés pour avoir tourmenté un animal.

Il nous était permis de penser que, pour Junior, l’évaluation comportementale ne serait pas un moment de plaisir et que le résultat risquait d’être source de tracas.

C’est pourquoi La Griffe qui, en l’absence physique des représentants de l’ASF trop éloignés, avait accepté de s’occuper du cas Junior, avait décidé de demander que l’EC soit pratiquée hors fourrière, par un comportementaliste de son choix, en notre présence. Nous pensions à raison que le stress serait moindre si l’on pratiquait de la sorte. Mais on ne nous a pas laissé le choix. Nous avons appris, de manière totalement officieuse encore (aucune information officielle sur le sort des trois chiens n’a jamais été donnée durant leur détention, il aurait pu leur arriver n’importe quoi, nous n’avions aucun moyen de contrôle) qu’une évaluation comportementale devait avoir lieu le soir même… Il y avait une semaine que les chiens étaient détenus en fourrière. Nous nous sentions totalement impuissants. Impossible d’obtenir des nouvelles, impossible d’aller les voir… C’est grâce à l’intervention de notre avocate que la situation a pu enfin se… décrisper.

Mauvaise note

Nous apprenions le lendemain, de nouveau « par la bande », les notes obtenues par les chiens. Il faut savoir que l’EC comporte quatre niveaux de notation, le 1 étant le meilleur. Le 4, le pire, pouvant être associé à une demande d’euthanasie, pratiquée sans même qu’on n’ait pu revoir l’animal, par un vétérinaire de la Direction départementale de la protection des populations (DPPP ex DSV). Billy, le plus âgé, le plus sage, n’avait vraisemblablement eu aucun mal à décrocher son niveau 1. Quant à J’Kid, jeune et puissant (ce qui a sans doute fait peur à l’évaluateur), il a dû se contenter d’un 2. Le pauvre Junior était bien sûr à la peine… Le vétérinaire l’a gratifié d’un 3 qui nous a paru, après coup, bien sévère…

Il faut savoir aussi que les vétérinaires évaluateurs ne sont pas tous, loin s’en faut, des vétérinaires comportementalistes. Pour se prévaloir de ce titre, il faut avoir suivi, en plus du cursus classique des études vétérinaires, plusieurs années d’études spécifiques.

Une vétérinaire comportementaliste (une vraie), contactée par la suite, nous a dit, évoquant le jugement de son collègue : « Ce n’est pas un parapluie qu’il a ouvert, c’est un parachute ! »

Pas de condamnation à mort, donc, et cela nous soulageait à un point que l’on a du mal à imaginer après coup… Restait à récupérer les trois détenus… Ce qui survint au début de la semaine suivante. Billy, J’Kid et Junior étaient restés douze jours en fourrière… Pour rien.

Junior : la liberté retrouvée et les jeux avec les copains.

Junior : la liberté retrouvée et les jeux avec les copains.

Ce sont deux bénévoles de La Griffe qui sont allées chercher Junior que, depuis, nous avons pris en pension. Il fallait juste se méfier de sa réaction lorsqu’on lui mettrait son collier : il a horreur de ça ! Mais les filles ont su gérer… Aujourd’hui, il accepte ce passage obligé sans barguigner.

Un niveau 3 lui ? Allons donc ! C’est un gamin, intelligent et qui a envie de bien faire et de faire plaisir. Lorsqu’il est en situation de peur, il aboie, fait son caïd, histoire d’impressionner. Mais cela ne dure pas. Il suffit de le rassurer. De lui donner confiance en lui. Il vit avec trois autres chiens, tous des mâles castrés, comme lui, dont un labrit qu’il affectionne particulièrement (histoire de famille, sans doute). Avec les deux autres, un gros et un tout petit, il s’entend aussi comme larrons en foire. Et il côtoie aussi des chats.

Et c’est ce Junior-là, 12 kg clés en main, qu’on a voulu faire passer pour un monstre mangeur d’homme ? Notre société est décidément bien malade.

Dans quelques mois, dans un an peut-être, avant en tout cas qu’il se soit écoulé deux années (c’est la loi), Junior devra subir une autre évaluation comportementale, et là, on verra le chemin parcouru… Affaire à suivre.

Josée Barnérias

(*) Les noms propres ont été changés.

Ce que disent les professionnels (deux vétérinaires comportementalistes interrogés)

  • Les chiens sont naturellement nécrophages et manger un morceau de cadavre ne correspond pas à un interdit religieux ou moral chez eux. Il ne faut pas pour autant les accuser d’être des mangeurs d’hommes. S’ils ont faim et sont restés plusieurs jours sans manger, ils mangeront le cadavre.
  • Par ailleurs, on peut voir des comportements de réanimation chez les chiens vis-à-vis de leur maître et il y a eu des précédents. Il est tout à fait plausible que les chiens veuillent réveiller leur maître qui est sans vie à côté d’eux. (il y a aussi des exemples dans d’autres espèces).
  • Cette situation est assez classique. Peut-être que la personne a vomi avant de mourir, ou régurgité. Il serait intéressant de le savoir (nous ne disposons pas du rapport d’autopsie NDR). Le chien est un charognard, il se délecte avec des matières qui nous paraissent à nous dégoûtantes, vomi, régurgitations, excréments… Ils peuvent avoir aussi voulu réveiller leur maître.
  • Mais en aucun cas, si les blessures sont post mortem, il ne peut s’agir d’une agression. Pour qu’il y ait agression, il faut qu’il y ait interaction. Un chien n’attaquera jamais un cadavre.

Nous remercions toutes celles et tous ceux qui ont soutenu nos démarches par leurs encouragements, leurs tentatives, souvent de loin. Qui par leur implication morale nous ont bien aidés. Nous remercions Nathalie, de l’association Adoptions sans frontières, qui nous a accordé sa confiance, Karine, Florence, Caroline. Nous remercions tous ceux qui ont été suffisamment clairvoyants et sages pour deviner que le comportement des chiens ne pouvait être dû qu’à leur attachement à leur maître, et non à une quelconque pulsion d’agressivité. Nous remercions aussi le maire de Clermont-Ferrand qui a compris qu’il ne servait à rien de prolonger une détention injustifiée.

Si nous avons choisi de raconter cette affaire, après qu’elle eut été bouclée, c’est parce qu’elle nous semble emblématique de ces situations qui arrivent comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, et qui nous laissent désemparés car nous n’avons pas toutes les cartes en main.

Aujourd’hui encore, nous ignorons sur quelles bases ont été « jugés » ces chiens, puisque nous ne pouvions avoir accès au rapport d’autopsie. En tout cas, cette histoire, dont on ne peut pas dire qu’elle s’est bien terminée puisqu’une personne a laissé sa vie, nous aura appris beaucoup.

Ce que dit la loi

Pour les chiens placés en fourrière sur décision du procureur, du préfet ou du maire, il y a impossibilité de procéder à l’euthanasie rapide (moins de 48 heures).

  • Il y a obligation de respecter une période de surveillance « mordeur », c’est-à-dire trois visites, par un vétérinaire (article L223-10 du Code rural). Le propriétaire ou le détenteur du chien est, en outre, tenu de le soumettre, pendant la période de surveillance, à l’évaluation comportementale (article L211-14-1 et L211-14-2 du Code rural) pratiquée par un vétérinaire de son choix.Cette évaluation sera transmise par le vétérinaire au maire, lequel fondera sa décision sur le document qui lui a été communiqué. Selon le niveau de classement du chien (de 1 à 4), le vétérinaire propose des mesures préventives visant à diminuer la dangerosité du chien évalué et émet des recommandations afin de limiter les contacts avec certaines personnes et les situations pouvant générer des risques.Dès réception de l’évaluation, le maire ou, à défaut, le préfet peut (ce n’est pas une obligation, mais une simple faculté) imposer au propriétaire ou au détenteur du chien de suivre la formation adéquate et d’obtenir l’attestation d’aptitude (article L211-13-1 du Code rural). Il peut également prescrire au propriétaire de prendre des mesures de nature à prévenir le danger : aménagement d’une clôture, port de la muselière, etc. (article L211-11 du Code rural).
  • A la suite de l’évaluation comportementale, si le maire n’a pas enjoint le propriétaire à suivre la formation, à obtenir l’attestation d’aptitude ou à prendre des mesures concernant la garde de son animal, il n’a pas le droit de maintenir l’animal en fourrière, et encore moins celui de procéder à son euthanasie. Le maire doit suivre les étapes prévues au Code rural, faute de quoi sa décision de mise en fourrière ou d’euthanasie sera entachée d’illégalité (Voir, notamment, Tribunal administratif de Rennes, ordonnance du 15 juin 2010, M.X c/ Commune de Moutiers et Cour administrative d’appel de Bordeaux, arrêt du 30 mars 2010, M. L).

La loi et la jurisprudence ont prévu des paliers successifs à respecter. La proportionnalité des mesures devient la règle, et tout amalgame entre chien mordeur et chien dangereux doit être proscrit.

Ce n’est donc qu’en cas d’inexécution des mesures prescrites que le maire peut légitimement faire procéder à son euthanasie.