Les fêtes,
c’est pas pour les bêtes !
 
 
Si l’on tente de faire un bilan de l’année 2012 pour ce qui concerne la condition animale, on n’y trouvera rien qui signe de notables avancées. Et c’est un euphémisme, parce qu’en France du moins, il semble qu’une sauvage régression soit en marche. Nous finissons l’année sur des images choquantes, révoltantes, même. Sur des événements douloureux, sur des constants terrifiants, sur une réalité dont la cruauté semble ne jamais vouloir finir…
 
Vie brève
L’association L214, toujours aussi efficace, nous livre en ce moment « Une info par jour » sur la production de foie gras. Le premier épisode de cette saga sordide a été consacré à l’éclosion des canetons et leur entrée dans la vie… Les femelles ne sont pas utilisées pour la production de foie gras. Elles ne servent à rien, elles sont donc impitoyablement éliminées. Comment oublier ces images montrant les employés, les cheveux dissimulés par ces grotesques charlottes dont sont affublés les acteurs de l'agroalimentaire, se saisissant des petites boules jaunes et duvetées, les retournant dans un geste rapide et sûr pour en reconnaître le sexe, jetant ensuite l’un ici, l’autre là, c’est selon ? Beaucoup de ces nouveau-nés sont envoyés sans ménagement dans un immense entonnoir de métal qui tourne lentement.Ils glissent jusqu’au trou central, et là, ils disparaissent à jamais. Ce chemin inexorable les conduit à un broyeur. Vie brève. Que pensent les porteurs de charlotte qui président aux destinées des jeunes palmipèdes ? Sont-ils mal à l’aise ? Ils n’en ont pas l’air. Sans doute, pour eux, il n’y a pas de mal à faire cela. Et puis il faut bien travailler, gagner sa vie, même si, ce faisant, on prend la vie des bêtes. Nous nous habituons très facilement à la souffrance des autres.
 

 
Une très courte scène est tout particulièrement poignante, portant elle n’a rien d’horrible, ni de sanglant. Un caneton isolé, mi-étonné, mi-inquiet, regarde autour de lui depuis le tapis roulant qui l’emmène vers son destin…
Cette année encore, 80 millions de canetons seront nés en France, premier producteur mondial de foie gras. La moitié d’entre eux aura été sacrifiée dès l’éclosion. Les autres connaîtront un sort bien plus cruel encore… Bannissons à jamais le foie gras de nos tables !
 
Baby et Népal
Nous sommes en plein dans le feuilleton Baby-Népal… Il y a quelques jours, les médias nous ont appris l’existence de ces deux éléphantes, propriété du cirque Pinder qui les avait confiées au zoo du parc de la Tête d’Or, à Lyon. C’est la ville de Lyon qui, du coup, devenait responsable des deux animaux. Or, récemment, on a fortement soupçonné Baby et Népal d’être porteuses du bacille de la tuberculose. Soupçonné seulement, parce que les tests sont peu fiables, de l’aveu même de ceux qui demandent la mort des éléphantes. Je pensais naïvement que le doute pouvait bénéficier aux condamnées… C’est le contraire qui se produit. Principe de précaution oblige : on craint qu’elles ne contaminent le moitié de la ville des canuts. Alors le préfet a signé leur arrêt de mort. Elles devaient être « euthanasiées », comme ils disent, par piqûre létale, mais une formidable mobilisation en leur faveur a fait différer la sentence. De nouveau, le tribunal administratif a statué pourla mort de Baby et de Népal. De nouveau, des pétitions sont en marche, qui en appellent au jugement de l’Union européenne.
 
 LG-Baby-et-Nepal.jpg
Voilà deux animaux magnifiques, intelligents et puissants (photo ci-dessus), qui ont passé leur longue vie à fouler la sciure des pistes, étoilées peut-être, mais surtout bien étriquées, à amuser des gamins inconscients de leur calvaire, et qui, en guise de remerciements pour leurs bons et loyaux services, seraient envoyés ad patres, sans état d’âme, par une administration hygiéniste, aveuglée par ses missions sanitaires, au point de ne plus voir dans les êtres vivants que des bouillons de culture, des amas de bactéries, des pépinières de microbes.
Je me souviens du long poème de Leconte de Lisle consacré aux « éléphant rugueux, voyageurs lents et rudes… » Quelles humiliations, quels massacres, quels malheurs, les hommes n’auront-ils pas infligés aux éléphants superbes ! Àtel point que l’on se sent devenir aussi intransigeant, aussi fur
ieusement révolté par cela que le Morel des
Racines du ciel
Volera-t-on le peu de vie qu’il reste à Babyet à Népal? Ira-t-on jusqu’à mettre à exécution cette sentence dégradante ? Dégradante pour nous, pas pour elles… Dégradante pour nous, sept milliards d’homo sapiens sapiens qui, alors que nous nous sommes rendus maîtres de la Terre, du ciel et des eaux, devrions avoir peur de deux vieilles éléphantes de quarante ans qui ne savent sans doute pas qu’en cet instant précis, je pense très fort à elles et à tous leurs congénères d’Afrique ou d’Asie martyrisés, exploités, assassinés…
 
Pare-choc assassin
Cela ne suffisait pas. Il y a eu aussi l’histoire atroce de ce pauvre chien, près de La Chaise-Dieu, en Haute-Loire, qui, accroché au pare-choc de la voiture de son maître, a été traîné sur quinze kilomètres… Quelle déflagration, quelle souffrance, quelle terreur n’a-t-il pas ressenti ! Le type, lui, a dit qu’il ne s’était aperçu de rien, qu’il avait l’habitude d’attacher son chien au pare-choc de sa voiture, qu’il l’a oublié, c’est tout. Qu’il n’a rien vu, rien entendu… C’est peut-être vrai. Peut-être. Mais ce n’est pas une excuse pour autant. L’individu, qui sera convoqué au tribunal au printemps, n’encourt pas une grosse peine. Une amende, peut-être, qu’il ne paiera pas… Cette histoire lamentable en rappelle une autre, là il s’agissait d’un dalmatien nommé (ironie du sort…) Lucky, qui signifie  « Le Chanceux »... Dernièrement, un événement analogue a été relaté par le journal La Dépêche du Midi. Mais cette fois, il s’est trouvé des hommes et des femmes humains, vraiment humains, pour arrêter le salaud et sauver le chien qui, gravement blessé, a pu tout de même être soigné.
 
Cancer du soleil
 
Decembre--.JPG
Il y a quelques jours, on a ramené à La Griffe une petite chatte grise et blanche à la fourrure très douce que des gens nourrissaient depuis longtemps sur un parking, et dont ils s’occupaient un peu, sans jamais qu’il y en eût un qui montrât un surcroît de pitié au point de l’emmener chez lui. On nous la confiait pour que nous puissions la soigner d’une blessure à l’oreille, nous avait-on dit… En fait de blessure, les deux oreilles de cette pauvre bête avaient quasiment disparu, rongées par le « cancer du soleil », qui prend pour cible les chats dont la peau est claire. Nous l’eût-on amenée il y a quelques mois, nous aurions sans doute pu la sauver… Le vétérinaire ne nous a laissé aucun espoir. Elle est partie calmement, sans crainte, elle s’est endormie pour ne plus se réveiller, nous étions avec elle, nous ne l’avons pas quittée.
Ceux qui s’en occupaient ne s’en sont pas très bien occupé. Après tout, ce n’était pas leur chat et personne sans doute n’a voulu prendre en charge des frais vétérinaires jugés trop élevés. Il était plus facile de laisser la maladie faire son ?uvre.
Ce n’était qu’un pauvre petit chat et elle n’avait même pas de nom…
À quoi bon égrener des histoires qui font mal ?
 
Autour de nous, des millions de gens se bousculent derrière des tonnes de nourriture, parfois rare et chère. Le grand massacre a commencé. Tradition, disent-ils. Ils boufferont jusqu’à s’en rendre malades. Ils marcheront sur des cadavres encore tièdes. Les abattoirs tournent à plein régime. Aucun de ceux qui y entrera n’en sortira vivant. Nous présidons aux hécatombes. Le temps n’est pas encore venu de l’humanité bienveillante, de l’humanité adulte. Pour l’heure, nous sommes sept milliards de sales gosses méchants, inconscients du mal que nous faisons, aveugles et désirant le rester.
 
Il n’y a qu’une seule attitude possible : entrer en guerre contre cette part de nous-mêmes qui est la pire, la réduire au silence et à l’impuissance. Alors, seulement, nous pourrons envisager l’avenir.
Que la fin de l’année 2012 nous apporte ce dont nous avons le plus besoin : la compassion, la cohérence et la force !
 
                                                                       &nbsp
;                                                                                           Josée Barnérias