Par Josée Barnérias

Qui se soucie le plus des animaux de cirque ? Les cirques eux-mêmes ou ceux qui les traitent d’exploiteurs et de tortionnaires ? Même si une récente loi prévoit qu’à l’horizon de 2028, il n’y aura plus d’animaux issus d’espèces sauvages dans les quelque 120 cirques français, pour l’heure, ni les uns ni les autres ne semblent avoir prévu la retraite de ces grosses bêtes qui sont au cœur du problème.

Amar ou la politique du coucou

Le sujet revient régulièrement sur la place publique. Un litige oppose en ce moment la Ville de Clermont et le cirque Amar, qui s’est installé à la mi-mai sur l’espace Ernest-Cristal et organise des spectacles sans la moindre autorisation.
La Ville n’est pas favorable aux cirques avec animaux. Cependant, c’est un argument auquel elle ne peut avoir recours si elle veut empêcher une structure circassienne de s’installer. C’est tout simplement illégal. Il lui faut trouver autre chose.
Le cirque Amar n’était pas prévu. C’est Joseph Bouglione, qui a renoncé à travailler avec des animaux, et son « Ecocirque » sans animaux qui devaient occuper la place Ernest-Cristal. Joseph Bouglione n’ayant pu honorer ce rendez-vous avec les Clermontois, le cirque Amar a profité de l’aubaine, sans prévenir.
Amar s’est s’installé au débotté, invoquant des raisons médicales. Mais il n’était pas question de planter le chapiteau et y présenter des spectacles. Ce qu’il a fait pourtant, informant même la population à l’aide d’un affichage sauvage. Un arrêté d’interdiction d’activité et d’accueil a bien été pris par le maire… En vain jusqu’à présent, la chose ne semblant émouvoir plus que cela ni le tribunal administratif (a-t-il été au moins saisi ?) ni la préfecture.
La conseillère municipale déléguée à la condition animale, Laëtitia Ben Sadok, ne décolère pas. Le coup bas du cirque Amar, elle ne peut le digérer, d’autant qu’elle ne supporte pas la présence d’animaux issus d’espèces sauvages dans les cirques, à l’instar de la formation politique à laquelle elle adhère, EELV. Une option de plus en plus présente chez les élus territoriaux, qui profitent quelquefois de ce contexte pour montrer des dispositions pro-animales qu’on ne leur connaissait pas avant…

Bêtes de cirque ou dindons de la farce ?

C’est un véritable dilemme, sur lequel jouent d’ailleurs les circassiens. Car, si on les empêche de travailler, on les empêche du même coup d’entretenir correctement leurs animaux. Certains cirques, confrontés à de gros problèmes de trésorerie, se sont ainsi vus contraints de vendre leurs bêtes. Certaines se sont retrouvées… en Chine, par exemple, ou dans d’autres pays où le bonheur des animaux est loin d’être garanti. Ainsi, en voulant que les tigres, lions, et autres dromadaires échappent à leurs exploiteurs, on contribue à les envoyer en… enfer.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Les villes anti-cirques n’ont pas forcément des intentions très pures. Les « maires-la-vertu » mettent en avant le « respect » des animaux alors que leur souci serait aussi du côté des nuisances diverses provoquées par la présence encombrante des gigantesques caravanes. Mais la chose est tendance, et les associations ne cessent de s’émouvoir devant les cages où croupissent de pauvres bêtes qui se trouveraient mieux, c’est sûr, dans un lieu plus adapté à leur taille et à leur nature.
Les dindons de ces farces administratives, ce sont bien sûr les animaux eux-mêmes, auxquels finalement on pense assez peu.
Quel avenir pour les animaux de cirque ? Pour l’instant, aucun.
La Griffe préconise une mesure qui pourrait à terme mettre tout le monde d’accord. Pourquoi les maires qui refusent sur leur sol les cirques avec animaux ne cotiseraient-ils pas à un fonds dévolu à la création de sanctuaires ou à l’entretien et l’amélioration de ceux qui existent déjà ? Pourquoi l’Etat ne favoriserait-il pas, par des mesures sonnantes et trébuchantes, l’abandon progressif des animaux par les responsables de cirques ? Un accompagnement est vaguement prévu par la loi contre la maltraitance animale votée en 2021 pour les quelque 120 cirques français qui sont invités à ne plus présenter d’animaux à l’horizon 2028. Mais on n’en sait pas beaucoup plus pour l’instant. Et quid des cirques étrangers qui transitent par l’Hexagone et y donnent des représentations ?
Car il ne suffit pas de pousser des hauts cris et de traiter de tortionnaires les circassiens qui, bien souvent, sont nés au milieu de la faune captive, qui considèrent que là est leur vie et qui, pour certains du moins, ont des liens très forts avec leurs animaux, encore faut-il les convaincre de passer à autre chose. Cela ne se fera pas en un jour, et sans y mettre les moyens.
L’État, les maires, sont-ils prêts à quelques efforts ? Qu’ils acceptent les responsabilités qui sont les leurs. C’est à cela que l’on pourra mesurer leur degré de sincérité dans l’engouement subit qu’ils montrent depuis peu pour les animaux de cirque !