La Griffe a déjà été confrontée à la disparition d’animaux dits « de compagnie », chiens ou chats essentiellement. Le dernier cas en date nous a été particulièrement douloureux. Et n’a fait que nous conforter dans ce que nous pensions déjà : rien, au niveau institutionnel, n’est censé venir en aide à celles et ceux qui souffrent d’une perte devant laquelle ils sont impuissants, ni aux animaux eux-mêmes, qui ne comptent pour rien. Ils disparaissent ? Bof, et alors ?
Il est temps que cela change.

Le chagrin en plein cœur

Notre amie Brigitte Piquetpellorce, qui ne m’en voudra pas de la citer ici, a dirigé pendant 23 ans la CAT SPA (cellule anti-trafic de la SPA). De son propre aveu, elle était très sensible aux affaires d’animaux volés qui la blessaient profondément. Dans les années 1990-2000, il existait de véritables réseaux de kidnappeurs. Elle évoque plusieurs cas dans son ouvrage « Dans l’enfer du trafic animal » (éditions Christine Bonneton), plus de 500 pages de témoignages poignants, révoltants, douloureux. Elle écrit : « Ceux qui nous appellent au secours sont souvent désespérés. Je reçois leur chagrin en plein cœur. » Certaines pages sont difficiles à lire. Elle a tant œuvré pour que cela change… Cela a-t-il changé vraiment ? « Sur une année, la cellule anti-trafic a reçu plus de 2.500 appels téléphoniques et courriers… A chaque fois, c’est la même angoisse, suivie de la révolte, puis de la résignation, et dans certains cas d’un profond désespoir. »

A La Griffe, nous sommes au plus près de ces problèmes-là. C’est ainsi que, lorsque nous avons appris la disparition de Pantoufle, le 15 août 2022, dans une commune proche de Clermont-Ferrand, à Ceyrat, nous avons décidé de faire tout ce qui était en notre pouvoir pour le retrouver.
C’est que Pantoufle, nous le connaissions bien. Nous l’avions recueilli début 2019, dans l’hiver clermontois. C’était un chiot de deux ou trois mois que des marginaux avaient abandonné à la rue. Nous l’avons gardé avec nous jusqu’à ce que, en septembre de la même année, il fût adopté. Depuis lors, nous ne l’avions pas perdu de vue car son « papa », adhérent de La Griffe, nous aidait quelquefois dans nos pérégrinations. L’annonce de sa disparition, quelques heures plus tôt, nous avait terriblement contrariés.

Chercher, chercher encore

Pantoufle a été cherché de toutes les manières possibles : battues dans le secteur où il avait été vu pour la dernière fois ; plus d’une centaine de milliers de personnes contactées par le biais des réseaux sociaux ; des centaines d’affiches déposées dans la commune de Ceyrat et les communes alentour ; signalement auprès des mairies, des vétérinaires, des gendarmeries, de la police, des associations ; petites annonces dans le quotidien régional ; deux plaintes déposées pour « vol d’un animal de compagnie » dont l’une par La Griffe. Que sais-je encore ? A ce jour, Pantoufle n’a toujours pas été retrouvé.
Pantoufle, comme beaucoup d’animaux qui disparaissent sans raison, sans laisser la moindre trace, est équipé d’une puce électronique, ce qui fait de lui un chien « traçable ». De surcroît il porte, accrochée à son collier, une médaille où est gravé le numéro de téléphone de son détenteur. Comment est-il possible que personne ne l’ait vu ? Que personne n’ait songé à recueillir un chien visiblement perdu et à appeler qui de droit, en l’occurrence la fourrière Chenil Service, qui est là pour récupérer les animaux errants et le cas échéant à les remettre à leur légitime propriétaire ?

C’est incompréhensible et très douloureux.

Les jours, les nuits passent… Et rien. Pantoufle, comme tous les animaux disparus, emplit l’espace de son absence. L’angoisse est inimaginable pour qui n’a pas vécu ce genre de situation comme la vivent ceux qui ont un lien très fort avec leurs animaux. Grâce aux réseaux sociaux (c’est leur côté « positif »), ils savent aujourd’hui qu’ils ne sont pas seuls. Qu’il se crée autour d’eux et de leur tourment une communauté de compassion et de soutien.

Pantoufle, Mila, et les autres…

La plainte que nous avons déposée sera bien sûr classée sans suite. Les institutions sont-elles prêtes à dépenser le moindre centime pour un animal qui disparaît ? Sûrement pas. De toute façon, des tas de bons citoyens ne seraient pas d’accord avec ça. Ce ne sont que des bêtes, après tout. Et peu importe s’ils sont maltraités, séquestrés, voire torturés et tués par d’immondes voyous. Car quel genre d’individu faut-il être pour s’en prendre à un animal qui n’a pas la moindre chance d’échapper à ses tortionnaires ? Son sort, dans ce cas-là, ne vaut guère mieux que celui d’un taureau dans l’arène…

A La Griffe, nous sommes scandalisés par cette iniquité. Nous ne pouvons obliger la justice à lancer des poursuites, la police et la gendarmerie à déployer quelques efforts pour mener des recherches. En revanche, nous pouvons mobiliser, nous pouvons interpeller, nous pouvons lancer des appels à tous ceux pour qui la disparition d’un animal est chose sérieuse, aussi importante que celle d’un animal humain.


Il n’existe pas de fichier dans lequel seraient répertoriés TOUTES les disparitions d’animaux dits de compagnie ou assimilés. Nous avons l’ambition d’en créer un. Dès maintenant, nous allons étudier la question. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais cela DOIT exister. Nous ne pouvons plus avancer dans cet atroce brouillard. Nous appellerons à la rescousse d’autres associations, nous enregistrerons tous les signalements qui nous seront apportés, et nous aurons enfin de véritables chiffres à présenter. Nous verrons bien si le phénomène peut être encore superbement ignoré des autorités comme il l’est en ce moment !
Pantoufle a disparu… Nous pensons à lui sans relâche. Comme nous pensons aussi à Mila, disparue d’un jardin clermontois le 7 mai 2021.

Nous ne les retrouverons peut-être jamais. Mais qui sait ?
En tout cas, nous serions impardonnables de ne pas essayer. Impardonnables de ne pas agir…
Pantoufle, Mila et tous les autres, nous ne vous abandonnerons pas !

J.B.