Un homme s’est vu infliger prison avec sursis et amendes par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand. Motif : un élevage de chiens qui cumulait les aspects sordides. Les élevages, parlons-en !
Cela s’est déroulé en juin dernier : un quinquagénaire éleveur de chiens de race american staff a été convoqué devant le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand. Enfin ! Car voici quelques années que ses pratiques avaient été signalées aux services de l’Etat. Les conditions épouvantables dans lesquelles il maintenait ses chiens ont tout de même fini par interpeller les autorités. Il était temps !
D’après le quotidien régional, en 2019, déjà, des « contrôles » avaient été effectués, et des « préconisations » avaient suivi.
Mais les préconisations étaient restées sans effet (on se demande bien pourquoi…). Une trentaine de chiens ont été retrouvés survivant dans des conditions dont le détail n’a pas été dévoilé, mais pour que la justice s’en mêle, elles devaient être particulièrement abjectes. Les chiots issus de ce business indigne étaient vendus sur Internet…
L’homme a été condamné à cinq ans d’interdiction d’exercer quelque fonction que ce soit dans un élevage d’animaux domestiques. Cinq ans ? La belle affaire… On peut espérer que pendant ce temps-là, du moins, cela fera quelques esclaves de moins sur le marché. Quant au bonhomme, il a été présenté par son avocat comme une victime. Bien sûr.
Il faut tout de même être un peu esclavagiste sur les bords pour faire se reproduire, de gré ou de force, des chiens à raison d’un minimum de deux portées par an pour les femelles, balancer les chiots à l’encan sur la toile et les vendre à n’importe qui, pourvu qu’on paie !
Mais laissons cette histoire qui hélas, en rappelle tellement d’autres !

Bonnes poires

Dans un passé récent, La Griffe a été contactée plusieurs fois par des personnes sans beaucoup de ressources qui venaient de faire l’acquisition d’un chien et comptaient sur l’association pour subvenir aux frais qui se profilaient : identification, nourriture, vaccins, etc. Notre réputation de bonnes poires doit faire son chemin. Il est vrai que nous avons aidé, probablement plus que nous n’aurions dû, compte tenu de nos moyens, de pauvres types sans le sou accompagnés de chiens qui n’avaient rien demandé et se retrouvaient dans des situations dangereuses pour eux : défaut d’identification, maladie, accident, etc. Pour que la spirale de la détresse fasse une pause, on les fait stériliser. Au moins, de ce côté-là, on est tranquilles. Mais nous sommes obligés de marquer le pas. Notre trésorerie ne pourrait plus absorber une généralisation de ce genre d’intervention. Cependant, les sollicitations continuent régulièrement à nous arriver. Et lorsqu’on demande de quelle sorte de chien il s’agit, on obtient de vagues réponses où surnagent quelques indications très approximatives. On a compris : c’est un croisement de staff et, au choix, de toute autre race qui en impose : malinois, beauceron, dogue argentin, cane corso, etc.
Et ça ne finit jamais. L’info se répand dans les rangs des détenteurs de chiens insolvables : La Griffe aide ! Aussi, de nouveaux candidats à une assistance gratuite nous contactent-ils régulièrement.
Nous savons qu’un refus de notre part met un animal en danger. Ceux qui nous sollicitent le savent aussi et savent qu’on a du mal à refuser. Pourtant, désormais, nous y sommes forcés, car quel que soit l’engagement que ces gens prennent à notre égard (celui de nous rembourser par petites sommes), nous savons qu’il ne sera jamais tenu. Notre trésorerie n’y résisterait pas.
Nous en sommes malades : nous assistons à un véritable trafic de staffs ou croisés staffs (ils risquent d’être catégorisés « pitbulls », avec tout ce que cela entraîne pour un chien, aussi doux et sociable soit-il), enfin de jeunes molosses dont on ne sait d’où ils proviennent, peut-être sont-ils les descendants des chiens de l’élevage cité plus haut. Les fournisseurs qui finissent par les donner ou les vendre pour une somme dérisoire lorsqu’ils ont atteint huit ou neuf mois, parce qu’ils n’ont pas pu s’en débarrasser avant, prennent soin de ne laisser aucune trace. Quant aux bénéficiaires de ces « cadeaux », ils ne veulent bien évidemment pas dénoncer ces bienfaiteurs de l’espèce canine.
Parmi eux, il est des gens de bonne volonté et qui montrent un attachement réel à leur compagnon. Le problème, c’est qu’ils sont totalement inconscients de ce qui se joue au travers d’eux. Si, pour une raison ou une autre, l’un de ces molosses avec la gueule qui va avec se retrouve en fourrière, non identifié, il est probable qu’il sera euthanasié. Même s’il est gentil comme tout.

Ni races, ni élevages

Depuis quelques années, l’élevage fait l’objet de nouvelles contraintes, de conditions plus drastiques, et c’est heureux, mais c’est très insuffisant. Et les élevages clandestins perdurent.
Est-il normal que des chiens fassent les frais de l’incompétence et de la cupidité d’un personnage comme celui que nous avons évoqué plus haut ? Est-il normal que l’on joue à faire se reproduire des chiens catalogués par la société comme étant potentiellement dangereux (alors qu’ils ne le sont pas plus que vous et moi) au risque que ce soit eux qui paient l’addition ? Non bien sûr ! Alors quoi ? Alors, tout le monde s’en fiche. Tant que les éleveurs élèvent (ils ont des syndicats qui les défendent becs et ongles) et vendent leurs « produits », pas de raison de s’inquiéter. Même si la profession en attire plus d’un. C’est un métier de fainéant et d’esclavagiste, on l’a déjà dit. Cela ne demande pas beaucoup de travail : de pauvres bêtes enfermées dans des box que l’on nettoie lorsqu’on y pense, nourris une fois par jour avec des croquettes « spécial éleveur » bon marché que leur vendent les grosses boîtes de pet food… Il faut juste surveiller les chaleurs des reproductrices. Des hormones qui valent de l’or. Lorsque la production baisse, pas de quartier. Hors de question de nourrir des bouches devenues inutiles…
Quant aux éleveurs clandestins, qui « font » en douce une portée, histoire d’arrondir leur RSA, ils doivent être empêchés d’agir de toutes les façons possibles. Ils sont à l’origine de situations inextricables et douloureuses.
Tous les élevages sont ignobles. Les élevages de chiens aussi, n’en déplaise aux grands naïfs qui croient que ces gens-là sont les « gardiens » des races… Parlons-en des races ! Obtenues grâce à des sélections effectuées sur plusieurs générations de chiens, elles n’ont pour objectif que de satisfaire une éventuelle clientèle. Certains cherchent des chiens de chasse ou de travail, de ceci ou de cela, certains autres veulent un berger du Canighistan (ne cherchez pas, ça n’existe pas) parce qu’on leur a dit que c’était un chien parfait ! D’autres préfèrent un terrier du yorkshire nain (comme s’il y avait des yorks géants !), d’autres un bouledogue – français, cela va de soi -, même s’il est de notoriété publique que ces pauvres bêtes, dont la génétique est tellement traficotée, ont une espérance de vie bien au-dessous de ce qu’elle devrait être.
La liste serait trop longue des caprices des uns et des autres.
Mettons fin à l’élevage ! Les races, ça suffit ! En parlant de l’humain, le concept est banni depuis la Seconde Guerre mondiale ! Abolissons les races de chiens, de vaches, de ceci ou de cela. C’est une forme nocive et dévoyée d’eugénisme, qui ne cesse de montrer ses limites. Vive la mixité chez les animaux aussi ! Ils ont du talent pour se singulariser. Et si l’on sait s’y prendre avec eux, ils seront tous différents, uniques, mais ils auront en commun de nous rendre au centuple la bienveillance qu’on leur témoignera !
A l’adresse de ceux qui s’inquiéteraient de voir disparaître l’espèce canine le jour où il n’y aura plus d’élevages, on précisera qu’il sera bien temps d’y penser à ce moment-là et qu’il existera toujours d’autres voies pour qu’enfin des animaux naissent qui ne seraient plus des objets à vendre mais des individus promis à une vie harmonieuse avec d’autres individus, humains ceux-là.

Josée Barnérias