Une vie de cochon

 

pour l’amour de l’art

 

Il fallait être culotté pour monter un spectacle à partir du livre de Jocelyne Porcher et Christine Tribondeau, Une vie de cochon. Avoir des tripes, comme on dit. Parce que mettre en scène ce récit faussement innocent des conditions plus qu’ignobles des élevages industriels de porcs… Ouais, c’était gonflé. Et qu’en faire ? Une farce cruelle, bien sûr…

La compagnie Etc…Art, on ne sait pas ce qui lui a pris, s’est jetée dans cette aventure… Le spectacle, qui porte le même titre que le bouquin, est désormais bien rodé. Mise en scène de Jean-Luc Guitton, qu’on ne présente plus à Clermont-Ferrand. Dans les rôles de Solenn et des autres, Véronique Pilia , toute seule comme une grande, et roulez jeunesse… Une vie de cochon a été présenté, dans le cadre du festival des Contre Plongées  de Clermont-Ferrand, le mardi 9 août, aux alentours de 19 heures, place du Mazet. Pour l’anecdote, dans le quartier, la communauté musulmane est plutôt bien représentée. Or voilà qu’on nous y balance, en plein ramadan de surcroît, un spectacle où le cochon est omniprésent… Le cochon, animal impur et honni des disciples d’Allah !. Mais bon… Mis à part quelques persiflages assez discrets émanant d’une petite troupe d’adolescents qui n’ont fait que passer, l’événement n’a pas créé d’émeute.

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Véronique Pilia dans Une vie de cochon, mardi 9 août, place du Mazet.

 

En revanche, le public n’avait pas loupé le rendez-vous. Il a fallu ajouter des chaises… Et La Griffe était là, avec son tout petit stand et ses tracts franco de porc…

 

Mais qu’est-ce qu’on fait ?

La Griffe avait été chaleureusement accueillie par la compagnie, à qui elle avait demandé l’autorisation d’être présente pour jouer son rôle à elle : faire de l’information sur tout ce qui concerne les violences qu’on fait subir aux bêtes. Autorisation accordée aussi par les responsables de ce festival organisé par la Ville. Nous avons eu de bons contacts avec plusieurs personnes parmi le public, qui sont venues nous trouver pour discuter un peu.

Le texte (de la pièce) n’est pas très drôle. Même s’il s’agit du récit d’une petite fille intelligente, rigolote et vive, dont la mère bosse dans une de ces usines à cochons géantes, pleines de bruits d’acier, de grognements, de gémissements, qui sent la merde et l’urine, et où l’on fabrique de la souffrance en quantité en même temps que ce qui deviendra de la viande bon marché, écoulée par dizaines de milliers de tonnes dans les rayons de la grande distribution. Pas de mélo, dans ce texte, pas de pleurnicherie, de grandes déclarations indignées ! Non, juste une petite fille qui raconte ce qu’elle voit, ce qu’elle entend, ce qu’elle ressent. Et ça fait mal.

L’aspect absurde, monstrueux de ce monde au-delà de l’inhumain, caricatural, n’a pas échappé au metteur en scène. Il a pris son parti à la fois de la drôlerie et du drame. Il en a usé. Comme on saute du chaud au froid, du blanc au noir… Avec des moments où ça se mélange. Quant à la comédienne, elle a assuré. Comme un Hamlet courageux dans la cour du palais des Papes ou Démosthène haranguant les flots, elle a bravé le bruit, le vent, maîtrisant sa voix puissante qui pourtant ne demandait qu’à aller se perdre à la cime des arbres, sur les toits des vieux immeubles défraîchis. Elle a porté à bout de bras ce texte puissant, éclatante d’énergie, de malice, d’invention et d’émotion aussi. Elle a joué tous les rôles, rendant de plus en plus vivants ces pauvres énormes choses pleines de tristesse et de souffrance, oubliées des hommes. Solenn leur parle. Par la voix de Véronique, Solenn parle à ces animaux qui, elle le rappelle, ne sont pas – pas encore – de la viande, mais des personnes, oui, parfaitement, des personnes…

Dans le public, on riait parfois. Pas de la souffrance des bêtes à laquelle au début on ne croyait pas trop. Et puis, zut, que celui qui n’a jamais mangé de saucisson jette la première pierre… On riait des facéties de Véronique/Solenn, de ses grimaces, de ses emportements. Mais, à la fin, on ne riait plus du tout lorsque LA question a été posée : « Mais qu’est-ce qu’on fait, qu’est-ce qu’on fait ? Des fois je me dis , mais qu’est-ce que les animaux vont penser de nous ? »

C’est vrai, qu’est-ce qu’ils vont penser de nous, les animaux ?

                                                                                                                               Jeph Barn

 

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                                                      Une vie de cochon

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nbsp;                                   Jocelyne Porcher et Christine Tribondeau

                                                         Éditions La découverte, 8 euros

Extraits

_ Je n'aime pas le jambon tant que ça, et ça me fait de la peine de voir tous ces cochons tristes… P. 18

 

_ À la porcherie, il y avait une truie, la 328, je l'aimais bien. Lorsque je m'en approchais, elle me causait avec des petits grognements très doux et elle me regardait avec ses yeux tout marron? P. 22

 

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_ Il y a des fois je me demande si on n’est pas des sauvages… P. 35

 

_ C’est très intelligent les cochons, c’est très affectueux, c’est facile de s’entendre bien avec les cochons… P. 54

 

_ Ce qui m'étonne, à la porcherie, c'est que tout le monde fait comme si les animaux étaient des machines et que ce qu'on fait avec eux ne comptait pas… P. 72

 

_ Les animaux ne peuvent pas dire « non »… P. 72

 

_ Les cochons aiment bien les gens. C'est pour ça qu'ils sont si patients en porcherie et qu'on peut leur faire plein de misères sans qu'ils se fâchent… P. 74

 

_ Moi je pense que les cochons espèrent toujours qu'on va changer, qu'on va devenir plus gentils… P. 74

 

Jocelyne Porcherest chargée de recherches à l'Inra, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'élevage industriel.

Christine Tribondeaua été longtemps salariée en production porcine industrielle.

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Voir aussi l’article : Dans le cochon breton, tout est-il vraiment bon ?