Promesses non tenues et langue de bois

L’Aïd el Kebir approche. C’est le moment ou jamais de remettre sur le tapis (de prière…) la question lancinante et terrible de l’abattage rituel sans étourdissement. En 1964, le gouvernement français a décrété que tous les animaux dits de consommation devraient être étourdis avant d’être abattus, accordant toutefois une dérogation pour les cultes juif et musulman. Aujourd’hui, ce type d’abattage dit « rituel » concerne plusieurs millions d’animaux sur les 50 millions sacrifiés dans les abattoirs chaque année en France, sans doute la moitié des ovins et caprins et au moins 20 % des bovins, ajoutant ainsi de la souffrance à la souffrance. De plus, une partie de la viande ainsi obtenue ne reste pas dans les circuits confessionnels mais trouve sa place dans le circuit classique de distribution, sans que les consommateurs n’en soient le moins du monde informés.

Car l’Aïd, ce n’est que la partie visible de l’iceberg.

Le 10 juin 2010, un courrier a été adressé, sous forme de lettre ouverte, à Nicolas Sarkozy, Président de la République, par onze importantes structures de protection animale, pour lui rappeler ses promesses de 2006, lorsqu’il était encore ministre de l’Intérieur et écrivait : « Je souhaite que les animaux souffrent le moins possible lors de leur abattage. Je souhaite que, dans toute la mesure du possible, l’étourdissement préalable soit généralisé ». Et pour lui demander, au moins, de « corriger le système opaque  » des viandes qui sont issues de ce type d’abattage en instituant un système d’étiquetage.

La réponse est arrivée début octobre, elle était signée de Claude Guéant. C’est un magnifique spécimen de ce que l’on a coutume d’appeler la langue de bois. M. Guéant ne répond à aucune des questions qui lui avaient été posées, et sa prose en dit long sur le mépris qu’il porte à ses questionneurs. En langage commun, cela s’appelle du foutage de gueule.

 

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                  – Je peux venir dans votre herbe ?
                  – Attends la semaine prochaine, on sera moins nombreux…

                                                                             Photo (et lapin) : Myrtille Indigo

Les associations concernées n’avaient pourtant pas demandé l’impossible : juste un petit étiquetage précisant : « Cet agneau que vous vous préparez à manger ce soir n’a pas été étourdi avant abattage ». Ce que préconise par ailleurs l’Union européenne. Même pas : « On a commencé à le découper alors qu’il était encore en vie ». Ni : « Quant à ce veau, il a agonisé entre dix et quinze minutes, la gorge largement entaillée, avant d’arriver à la porte du Paradis des petits veaux. Lui aussi, il est passé un peu trop tôt à la découpe ». Non, juste un petit étiquetage…

Franchement, pour le même résultat, elles auraient pu demander bien plus : qu’enfin, cette dérogation soit complètement abolie et que la loi soit la même pour tous, croyants ou non.

Cette année, entre le 16 et le 18 novembre, plus de 200.000 ovins et environ 4.000 bovins seront égorgés en France dans des conditions que l’on n’ose même parfois imaginer…

Et chaque année, on voudrait que ce soit la dernière…