La vie, c’est pas la viande !!

 

Événement national, le Sommet de l’élevage, qui, depuis son entrée à la Grande Halle d’Auvergne, ne cesse de monter (d’après les organisateurs), se déroule en ce moment même, et jusqu’à ce soir vendredi, sur le site auvergnat.

 

Le Sommet de l'élevage est à l'Auvergne, depuis 21 ans, ce que la féria est à Nîmes : une tradition locale ininterrompue dont on pourrait finalement bien se passer. Les deux événements ont en commun qu'il s'y agit de l'exploitation de l'animal par l'homme. Qu'on vient de très loin pour y participer (enfin, c'est ce qu'ils disent?). Qu'on y voit des bêtes à cornes. Et que c'est un gros mensonge, une énorme supercherie.

Cette année, on nous annonce 1.200 exposants, 20.000 visiteurs, et 2.000 animaux. La proportion hommes/animaux n'est toutefois pas la même que dans la vraie vie. Là, on compte un animal pour dix personnes, alors que dans la vie, les abattoirs français voient passer plus d'un milliard de bêtes en une seule année.

Bon, il y a aussi des oiseaux, du genre poules, canards, etc. Mais quand même. Ça fait du monde : 1.200.000.000 animaux divisé par près de 70 millions d'habitants, ça donne entre 17 et 18 animaux morts par an pour un seul humain carnivore (on ne compte pas les poissons : ce sera pour une autre fois). Au Sommet de l'élevage, il n'y a pas de poules, ce n'est pas une basse-cour. On trouve essentiellement des « bovins », des « ovins » et des chevaux dits « lourds » (ceux qu’on élève pour la viande). Ce sont les types de l'Inra et les producteurs qui parlent de « bovins » et d' »ovins ». Les mêmes qui emploient le terme « productions animales ». Nous, on n'emploie pas ces mots-là. On n'aime pas beaucoup que les animaux soient considérés comme des « produits ». On apprécie les vaches pour leur placidité et leur intelligence (même si elles s'énervent aussi, des fois), on est dingues de la gentillesse des moutons, qui sont beaucoup moins stupides que les idiots ne se plaisent à le dire (pour tout savoir sur les humeurs et les m?urs des moutons, allez faire un tour sur le site du Domaine des Douages, vous serez surpris). On a un faible pour les cochons aussi, et on adore les cocottes et les petits lapins. Et les dindes, et les canards ! Les chèvres, malines et audacieuses, nous plaisent aussi beaucoup. Quant aux chevaux, ah les chevaux, majestueux et si doux !

L'exploitation de l'animal par l'homme. Ça n'a rien d'exceptionnel. Et ça date de très longtemps. Àpartir du moment où les hommes ont cessé de se faire peur avec les énormes bestioles qui peuplaient la Terre et qui, à l'époque, savaient comment tenir en respect ces bipèdes ronchons, agressifs bien qu'à demi-poilus seulement, la face du monde a été changée. Les anciens peureux se sont mis à faire peur. C'est que, faute d'avoir inventé encore l'eau chaude, ils savaient déjà tailler silex et autres bouts de lances, fabriquer des objets qui font mal et ils ont appris très vite à les lancer avec habileté sur leurs colocataires à quatre pattes. Ensuite, la vie a suivi son cours. Il y a dix ou quinze mille ans, on a inventé l'élevage et tout ce qui va avec. Le foie gras, les hamburgers, les rillettes de porc et le b?uf aux carottes. Ça se paie, tout ça. Ça se paie de la vie et du sang des autres. Mais tant qu'il ne s'agit que des autres?

Le Sommet de l’élevage, c’est un peu la glorification de tout ça, de ce parcours multimillénaire de prédateur. Sauf qu’aujourd’hui, la civilisation nous a appris qu’il fallait mettre des formes à la prédation. Depuis, l’Inra nous berce avec ses histoires de bien-être animal. Un bel emballage pour envelopper de bien vilaines choses.

On vient de très loin pour participer. Le Sommet de l'élevage a beau avoir lieu dans une contrée peu fréquentée en automne, il attire tout de même pendant trois jours la crème des éleveurs du monde entier. La preuve : cette année, on organise les rencontres Élevage France Pays méditerranéens. Huit pays, tous musulmans, viendront prendre de la graine, et sans doute aussi passer des commandes. Les pauvres bêtes ne savent pas encore ce qui les attend, elles qui vont fréquenter à leur corps défendant les abattoirs 100 % halal. Àmoins que dans les pays musulmans on soit moins arriéré qu'en France, pays laïc, qui tolère encore les sacrifices de sang pour des raisons religieuses. Vous dites ? On est au XXIe siècle ? Ben ça alors ! Il y a d'autres pays intéressés aussi par notre « savoir-faire ». Qui ne sont pas musulmans mais où les animaux ne sont pas vraiment à la fête, tant on y cultive la violence gratuite et que ce sont eux qui en font les frais. En Chine, par exemple, mais il y en a beaucoup d’autres.

On y voit des bêtes à cornes. Des bêtes à cornes ? Oui, des vaches, des veaux, des taureaux, des bovins, quoi. Pas étonnant, puisque le Sommet a lieu en Auvergne, et que la région compte pas mal d’élevages de « bovins » (ça se passerait en Bretagne, il y aurait surtout des cochons). Les « bovins », ils ont de la chance, quelque part, d'être en Auvergne. On peut être fiers de nos élevages extensifs (même si l'hiver, dans la neige, il n'y a plus beaucoup d'herbe et que les cadavres des animaux morts de faim font un peu désordre dans certains champs).

C'est un gros mensonge? Le Sommet de l'élevage, c'est comme le Salon de l'auto, une belle vitrine, une superbe affiche. Pourtant, l'intéressant, c'est l'envers du décor qu’on ne verra jamais à la Grande halle d'Auvergne. Une belle vitrine qui est aussi un gros mensonge, par exemple quand on fait croire aux petits enfants que la jolie Esméralda (le nom a été changé) avec ses grands yeux tout soulignés d'un trait d'eyeliner parfait ne se retrouvera jamais dans leur assiette? Elle, non, peut-être pas, mais les autres? Pour savoir ce que subissent les animaux « de ferme », allez, si le c?ur vous en dit, visiter le site de l'association L214, cliquez sur « vidéos », et regardez? Si vous n'êtes pas encore végétarien, c'est le moment ou jamais de vous poser les questions qui fâchent? Le pire, c’est les laitières. C'est fou ce qu'elles en bavent les laitières. Mais les produits laitiers sont nos amis pour la vie, n'est-ce pas ? Pour la nôtre seulement.

 

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                                                                     L’envers du décor (Photo L214)

 

Le Sommet de l'élevage, c'est un marché aux bestiaux version luxe, édition limitée sur papier vélin, exemplaires numérotés. Mais c'est un marché aux bestiaux quand même. Avec des gants. On y met les formes. Les animaux que l’on y voit sont des champions (il faut lire : de bons reproducteurs), ils ont un prix encore plus élevé que celui de la viande. Mais leur vie, elle, ne vaut rien. Alors quel rapport entre la vie et la viande ? Aucun.

Les lobbies de la viande sont à l’origine de cette manifestation à la gloire du carnivorisme. Et du coup, on ne s’embarrasse pas de considérations superflues, comme les dégâts causés par l’élevage sur un équilibre écologique plus que chancelant. Ni sur ce que coûte à l’État, c’est-à-dire au contribuable, les mirifiques subventions allouées au Centre d’information des viandes, un organisme entièrement dévolu à la promotion de la viande.

 

De 1993 à 2008, Jean-Luc Daub, qui par ailleurs exerçait la profession d’éducateur, a enquêté, pour le compte de l’OABA (?uvre d’assistance aux bêtes d’abattoir) dans les abattoirs français. Il rapporte son expérience dans un livre paru en 2009 aux éditions L’Harmattan. Et il conclut ainsi : « Si vous voulez vraiment faire quelque chose pour les animaux dits de boucherie, le mieux est de ne plus les manger. »

 

En France sont abattus chaque année :

1 milliard de volailles,

40 millions de lapins,

26 millions de porcins,

7 millions d’ovins,

6,5 million de bovins,

2 millions de veaux,

1 million de chèvres et de chevreaux,

20.000 chevaux,

des milliards de poissons…

 

                                                                                                                       Josée Barnérias

 

PS : On attend 20 % d'augmentation de la consommation de viande de b?uf dans les prochaines années, grâce aux pays émergents?