Par Josée Barnérias
Le Parti animaliste a organisé, le samedi 5 mars, une manifestation en soutien aux victimes de la chasse. Mais de quelles victimes s’agissait-il ? Ce n’était pas un hasard : deux semaines plus tôt, une randonneuse avait été tuée par le tir d’une adolescente de dix-sept ans qui participait à une battue aux sangliers…
FAIT DIVERS
Depuis une vingtaine d’années, le nombre d’accidents de chasse a considérablement diminué. Les derniers chiffres dont l’on dispose font état de 80 accidents pour la saison 2020-2021, dont 7 mortels (6 chasseurs et un non-chasseur). Un mort sera toujours un mort de trop, mais l’attitude qui consiste à demander l’interdiction de la chasse à cause de ce mort-là ne doit pas être celle des animalistes.
Les premières victimes de la chasse sont les animaux. Combien de dizaines de millions ? Combien de millions d’animaux élevés en captivité, puis relâchés, qui font des proies faciles ? Chaque saison, en France, c’est la curée sur les animaux dits autrefois « nuisibles » et aujourd’hui « susceptibles d’occasionner des dégâts aux cultures » ce qui, dans les faits, revient strictement au même. Plus de 500.000 sangliers, des renards, des blaireaux, des corvidés, des mustélidés… Et là, tous les coups sont permis. On peut donner libre cours à ses pulsions de cruauté. C’est légal.
Un humain tué accidentellement par une arme de chasse, cela s’appelle un fait divers. Que des politiques, tels les responsables d’Europe Ecologie Les Verts, ou bien les associations de randonneurs ou d‘autres crient au scandale et saisissent l’occasion pour demander l’interdiction de la chasse le dimanche et le mercredi, soit. Ils sont dans leur rôle. Mais il faut voir là une posture qui ne remet en cause ni la légitimité ni l’existence de la chasse.
365 JOURS PAR AN
Le combat animaliste, comme son nom l’indique, a pour objet les animaux, et seulement eux. Si l’on s’oppose à ce loisir mortel qu’est la chasse, il faut s’y opposer totalement, parce que, sur le plan de l’éthique que défendent les animalistes, la chasse est indéfendable. Et cela que l’on soit mercredi, ou mardi, ou vendredi. Il s’agit donc de demander son interdiction totale, sept jours par semaine, 365 jours par an, sans dérogation possible, qu’elle fasse des victimes humaines, ou non.
En organisant une manifestation en soutien aux victimes (animales ET humaines) de la chasse, le Parti animaliste révèle une ambiguïté qui sent quelque peu l’opportunisme. Il sort simplement du cadre. Qu’est-ce qui est dit en filigrane ? Qu’il faut supprimer la chasse parce qu’elle tue des animaux et, qu’EN PLUS, elle tue des gens ? Ou bien : il faut la supprimer parce qu’elle tue des gens et, qu’en plus, elle tue des animaux ? Nous savons tous qu’au moins 99% des Français ne sont pas antispécistes et que, même s’ils demandent que les animaux ne soient pas maltraités, il est absolument hors de question pour eux de comparer la mort d’un animal à celle d’un humain. Nous en sommes encore au point où, en de semblables circonstances, il faut choisir son camp, de crainte de brouiller le message.
En outre, que penser de l’attitude qui consiste à demander l’interdiction de la chasse sous prétexte qu’elle occasionne la mort de personnes humaines ? Cela n’est pas très convaincant. Il suffit de comparer avec d’autres situations qui provoquent aussi des décès. Des accidents mortels de voiture, il y en a beaucoup, beaucoup plus que d’accidents mortels de chasse. Et pourtant, pour l’instant, personne, même les associations de victimes de la route, ne demande que l’on interdise les voitures (certains le font, mais pour d’autres raisons). Il est illogique de demander dans ce cas l’interdiction de la chasse au prétexte qu’elle fait des victimes humaines. Idem pour les accidents mortels du travail… A qui viendrait à l’idée de demander pour autant l’interdiction du travail ?
DU CÔTÉ DU MANCHE
On pourra objecter que la chasse, outre d’être dangereuse, est totalement inutile. Mais tout le monde, hélas, n’est pas de cet avis.
Les chasseurs jurent leurs grands dieux qu’on ne les y reprendra plus, ou le moins possible. C’est que ce genre d’événement n’est pas très bon pour leur image, mais qu’ils se rassurent, la plupart des Français, s’ils n’approuvent pas certaines pratiques, comme la chasse à courre, ne sont pas franchement dérangés par la chasse. La propagande cynégétique est efficace. Défenseurs de la biodiversité, premiers écolos de France et j’en passe, on n’est pas à une désinformation près et jusqu’à présent, ce sont les chasseurs qui sont du côté du manche, pas leurs détracteurs. Ils sont protégés par les puissants. Il n’y a pas beaucoup de représentants politiques qui osent s’y attaquer, en admettant qu’ils en aient l’envie.
On n’ira pas jusqu’à dire que les chasseurs ont tacitement droit à leur quota de victimes, y compris mortelles, en attendant…
Restons, nous les défenseurs de la cause animale, dans nos clous, et laissons les autres rester dans les leurs. Ne mélangeons pas les genres. Ne nous trompons pas de combat. Nous n’avons pas à défiler pour déplorer un accident de chasse, même s’il est déplorable. Nous devons défiler, non pour qu’il n’y ait plus d’accidents, mais pour qu’il n’y ait plus jamais de chasse. Pas de chasse égale pas d’accidents. Qui peut le plus peut le moins…