Et si on cessait d’être des brutes ?…

 

 

Je viens de lire dans le quotidien régional  La Montagne un article qui évoquait l’incendie, le 3 mai dernier, du centre équestre de Laschamps, au pied du puy de Dôme. Dix-sept chevaux y avaient laissé la vie.
Aujourd’hui, l’enquête a apporté la quasi-certitude que le sinistre était d’origine criminelle et que celui ou ceux qui avaient mis le feu étaient censés savoir que les animaux n’avaient aucune chance de s’en sortir vivants. C’est une mort cruelle, atroce, et la peine de certains d’entre nous est grande. Ici, on ne parle pas d’argent.
Seulement de chagrin. De honte aussi…
  

 

 Chevreaux L214

 

Au moment où l’équipe de L214 a pris cette photo, ces chevreaux âgés de quelques semaines ne savaient pas qu’ils partaient pour l’abattoir.

 

 

Les chevaux, eux, ils avaient sûrement envie de vivre, de galoper encore à l’ombre des volcans, et ils n’avaient commis aucun crime qui eût pu leur faire mériter une telle fin. Il en va de même pour des milliards d’animaux que nous condamnons à une vie et à une mort atroces par ignorance, par faiblesse, par cupidité, par bêtise ou, pire, par habitude, ou encore pour des motifs tous plus futiles les uns que les autres. Parviendrons-nous un jour à imaginer la terreur de ces chevaux pris dans les flammes, leur souffrance, leur désarroi ? Si nous y parvenons, nous pourrons également imaginer la terreur, la souffrance, le désarroi des animaux traînés à l’abattoir, parfois battus, blessés, pour y être tués sans ménagement, et de plus en plus souvent sans avoir même été étourdis au préalable, comme la loi le demande. Nous pourrons imaginer la terreur, la souffrance, le désarroi des tous jeunes animaux, veaux, chevreaux, agneaux, que l’on a enlevés à leur mère au bout de quelques jours pour lui voler son lait, et qui, après avoir été entassés dans des cages à poules, passeront sous le couteau du tueur. Nous pourrons imaginer la terreur, la souffrance, le désarroi du vison à qui l’on aura placé une électrode dans la gueule, l’autre dans l’anus, pour le tuer sans abîmer sa fourrure. Ou celle du chien viverrin que l’on aura, sous d’autres latitudes, dépecé vivant, afin que sa peau vienne orner le col d’une bobo de province qui n’en avait nul besoin. Nous pourrons imaginer la terreur, la souffrance, le désarroi du macaque rhésus, du jeune beagle voyant, depuis la cage où on les a enfermés, avancer vers eux un tortionnaire anonyme en blouse blanche. Nous pourrons imaginer la terreur, la souffrance, le désarroi du cerf traqué, épuisé, attaqué par les chiens et fini à la dague par un sadique qui ne dit pas son nom ; de la laie massacrée après que ses petits ont été dévorés vivants par la meute ; de la renarde prise au piège au fond de son terrier, et martyrisée, ses renardeaux écrasés à coups de botte, parce qu’il y a des hommes qui détestent ce qui est beau, intelligent et libre…

La liste est trop longue. On a oublié les taureaux de corrida, les mammifères marins, les poissons, les oiseaux, les ours, les éléphants, d’autres encore… Toutes les bêtes sacrifiées, mutilées, parce que nous laissons faire. Parce qu’un jour, on nous a dit que c’était comme cela que ça marchait. Que nous étions les maîtres du monde, que tout nous était dû… Que les bêtes étaient faites pour être nos esclaves. Nous sommes devenus leur enfer.

Si tous ceux pour qui cette réalité est source d’indignation ne se contentaient pas de s’indigner en silence, alors tout irait beaucoup plus vite…

Fort heureusement, et même si l’on ne s’en aperçoit pas trop, les m?urs changent, les sociétés, qu’on le veuille ou non, malgré les résistances, les régressions, évoluent inexorablement. N’en déplaise à ceux qui refusent cette évidence et se cramponnent pitoyablement à leur « humanisme boursoufflé » (*) pour justifier le fait que les bêtes ne sont rien à leurs yeux. Dommage que ceux-ci, parfois, occupent de hautes fonctions, fassent voter des lois. Ils sont aveugles, ils sont sourds, et l’on peut imaginer, à terme, qu’ils n’ont, qu’ils n’auront jamais aucun avenir, ni en politique, ni nulle part… Ils ne laisseront de traces que celles de leur entêtement stérile. Ils n’existent pas.

 

Mais
nous, les « humanimalistes », nous existons, encore
faiblement. Nous nous emploierons à faire tomber les barrières
immenses qui ont été construites pour nous éloigner de ces drôles
de parents que sont les animaux. Il faut seulement que nos regards
changent. Que l’empathie progresse. Que nous cessions d’être des
brutes, d' »utiliser », de tourmenter et d’assassiner les
bêtes. Et alors, alors seulement, nous serons dignes de revendiquer
notre humanité.

 

Que l’année 2011 voie
enfin avancer nos luttes !…
                           

                                                                     Jeph Barn.

 

(*) Dominique Lestel, dans L’animal est l’avenir de l’homme, éditions Fayard, 16 euros.