Référendum pour les animaux : un goût d’inachevé
Par Josée Barnérias
Le « Référendum pour les animaux » qui a pris corps récemment sur la Toile semble avoir démarré en trombe. Il s’agit d’une initiative citoyenne mise en place par des associations et des personnalités et qui pourrait déboucher sur une proposition de loi si, à terme, les conditions sont remplies. A savoir, si l’on se réfère au processus législatif qui le sous-tend, le soutien d’un cinquième des membres du Parlement et la signature d’un dixième des électeurs.
Six thèmes
Les parlementaires seront-ils assez nombreux à l’issue du processus ? Quant aux électeurs, ils sont un peu plus de 400.000 à avoir apporté leur voix alors qu’il en faudrait 4,7 millions. Mais pas de panique. Il reste encore plusieurs mois pour s’engager.
Les six points qui ont été retenus portent sur l’élevage pour trois d’entre eux, sur les spectacles avec animaux sauvages, sur la chasse et enfin sur l’expérimentation animale. Plus que les thèmes choisis, ce sont ceux qui ont été laissés de côté qui interrogent. Pour ma part, j’en vois trois et pas des moindres : la situation des animaux dits de compagnie, qui n’est guère satisfaisante actuellement (l’a-t-elle seulement été un jour ?) ; la corrida, et enfin les conditions d’abattage des animaux destinés à la consommation.
Les grands absents du référendum
Les animaux dits de compagnie passent pour les petits privilégiés de la gent animale. On les imagine choyés, soignés, chouchoutés, qu’ils soient poisson rouge, chat persan, chihuahua, ou créatures plus exotiques. Il s’agit d’un mythe qui hélas a la vie dure au sein même, ce qui est extrêmement dommageable, de certains défenseurs de la cause qui n’ont jamais vraiment mis le nez dans les problématiques liées à ces populations et se contentent de militer à distance pour des animaux qu’ils n’auront jamais à héberger chez eux. Les animaux de compagnie sont, dans leur grande majorité, des esclaves. Les exemples de maltraitance (voire de sévices graves) sont légion, qu’elle soit consciente et volontaire ou au contraire la conséquence de comportements aberrants, anthropomorphiques, irrespectueux de l’animal. Il sera utile d’y revenir plus longuement car la liste de ces mauvais traitements qui vont de l’ignorance ou de la négligence (celles-ci pouvant avoir des conséquences terribles) jusqu’à la brutalité, la violence, la cruauté est d’une longueur insoupçonnée par le commun des mortels. Il faut dire que dans ce domaine aussi, la loi n’est pas l’amie des bêtes.
Peut-on considérer que la corrida est incluse dans le chapitre « Spectacles avec animaux sauvages » ? Probablement pas, car les taureaux ne sont pas des animaux sauvages mais des animaux domestiques, et la tauromachie n’entre dans aucune des trois catégories qui concernent l’élevage. Cela paraît très étrange, d’autant que la corrida ne fait pas l’unanimité en France, et que l’occasion aurait pu être donnée ici de la dénoncer une fois de plus. En fait elle a bien été oubliée. Pourquoi ? Des associations comme le CRAC Europe ou l’Alliance anti-corrida ont donné leur caution au référendum. Comment se fait-il qu’elles aient accepté cette impasse sur leur combat ?
Où est passé l’abattoir ?
Enfin, le problème de l’abattage des animaux d’élevage n’est pas évoqué. C’est dommage, car il s’agit d’un aspect essentiel. Que l’on dénonce l’élevage en cage, de même que l’élevage intensif, et que l’on veuille l’éradiquer, de même que l’élevage des animaux à fourrure, rien de plus légitime. Mais tout le reste… Ce qui ressort de l’élevage non intensif, cela représente tout de même un certain nombre d’animaux qui sont, eux aussi, promis à l’abattoir. Ce n’est pas moins cruel pour eux de finir leur courte vie dans des conditions souvent atroces (les vidéos tournées par L214 sont là pour en témoigner). Ils sont de plus en plus nombreux à être égorgés sans la moindre forme d’étourdissement. La loi, qui en principe l’interdit, le tolère dans de nombreux cas pour complaire à des rituels religieux. Belle entorse à la règle de la laïcité ! Tant que ce sont les animaux qui par leur sacrifice, leur souffrance, leur mal-être, assurent la paix des ménages, rien n’est grave. C’est un tribut peu coûteux. L’abattage sans étourdissement est violent, douloureux. Cependant, l’étourdissement préalable n’est pas non plus un gage de sérénité. Rien ne pourra empêcher la peur, la panique même, de tous ces animaux que l’on pousse de force à avancer vers leur mort dans des effluves de martyre et de sang. Enfin, quid des étourdissements ratés, du matériel défectueux, des tueurs inexpérimentés voire sadiques ?
Les questions que l’on se pose
Le référendum pour les animaux n’est pas le référendum pour tous les animaux. Il nous faudra bien cependant nous en contenter. Aboutira-t-il seulement ? Nul à l’heure actuelle ne saurait le dire. Et quand bien même une proposition de loi en émanerait, quel serait son devenir ?
Son plus grand succès ne sera-t-il pas de porter une fois de plus sur la place publique les questionnements liés à la condition faite aux animaux ? Alors pourquoi avoir volontairement écarté du débat les sujets cités plus haut ? Les choix qui ont été faits, et qui ne peuvent être mis en cause, mettent en lumière les choix qui ont été évités.
Disons-le tout net : concrètement ce référendum a fort peu de chances de déboucher sur des mesures concrètes, alors pourquoi ne pas avoir ratissé large, ne pas avoir couvert la quasi-totalité des situations choquantes, voire révoltantes, qui semblent jusqu’à présent ne pas avoir posé beaucoup de problèmes aux parlementaires, pour la grande majorité d’entre eux ? Combien en effet sont-ils à demander l’interdiction de la chasse à courre ? Du déterrage ? Combien sont-ils à avoir évoqué l’ignoble existence des élevages d’animaux à fourrure (voir le site politique-animaux.fr) ? Pour l’heure ils seraient près de 130 à apporter leur soutien au référendum. Plus des deux tiers du nombre requis. Attendons la suite…
Ce référendum providentiel qui rassemble dans son sillage pas mal de « pipoles » et un nombre inespéré de députés et sénateurs ne serait-il pas une simple opération de com ? C’est une question à deux balles que j’ai presque honte de me poser car l’intention de départ ne compte guère, finalement, si les retombées peuvent servir la cause.
Répondre présent chaque fois qu’une initiative est proposée qui va dans le sens d’un mieux-être pour les animaux, c’est bien. Mais il ne faut pas pour autant abolir son sens critique. On avance sur un terrain inexploré (jusqu’à aujourd’hui, les animaux ont toujours été surexploités par les hommes) et personne ne sait où il pourra mener. Ce n’est qu’en se posant des questions, en analysant les discours des uns et des autres, en étant attentif à ce qui est accompli, en imaginant la suite, que l’on parviendra à construire un monde où l’esclavage des bêtes sera aboli. Mais apparemment, ce n’est pas pour après-demain…