Vendredi soir, 16 octobre, La Griffe et toutes celles et ceux qui l’avaient rejointe, salle Georges-Conchon, à Clermont-Ferrand, ont vécu un grand moment. Nous avions tous rendez-vous avec la philosophe Florence Burgat qui devait s’exprimer devant une salle comble sur « La cause des animaux »… Un titre qui avait été avancé avant même que la conférencière n’eut choisi le thème particulier qu’elle allait traiter, mais qui de toute façon était générique et ne pouvait que convenir au propos.
De fait, l’exposé de Florence Burgat devait porter sur la question animale dans l’Antiquité grecque, sur la façon dont le sujet a pu être traité par les uns ou les autres. Elle s’est appuyée sur trois mythes, qui font référence à la fois au meurtre alimentaire et aux sacrifices sanglants. Celui de Prométhée chez Hésiode avec une référence à l’Âge d’or tel qu’il est évoqué dans les Métamorphoses d’Ovide ; un passage de l’Odyssée (chant XII) d’Homère, dans lequel Ulysse et ses compagnons rencontrent le troupeau des Vaches du Soleil ; enfin le démembrement de Dionysos, fils de Zeus l’immortel et de la mortelle Sémélé, qui aurait été tué, coupé en morceaux et mangé par les Titans, à la demande d’Héra, qui était à la fois épouse et sœur de Zeus, roi des dieux de l’Olympe.
En préambule, Florence Burgat est revenue sur le concept de « cause », qui est « liée à un contexte juridique », et associée à un plaidoyer, à une plaidoirie. Il s’agit bien de cela en effet : « Ce qui est en jeu, disait-elle, c’est de défendre des intérêts qui ne sont pas reconnus ». En l’occurrence, ceux des animaux… « Pourquoi remonter si loin dans le temps ? Pour mettre en évidence l’ancienneté de cette question. »
Et la philosophe de rappeler qu’ « il y a aujourd’hui une tendance manifeste à penser que ce qui est à l’origine de la façon dont on traite les animaux, c’est l’industrialisation ». Il faut toutefois préciser que le propos concernait surtout les espèces domestiques utilisées pour leur chair ou leur peau, ou leur lait : « Si l’on se penche sur les pratiques anciennes d’élevage, on s’aperçoit qu’elles étaient très cruelles, et qu’elles comportaient aussi des techniques de contention, de gavage, d’engraissement rapide. On peut dire qu’il y a eu systématisation avec l’accroissement démographique des sociétés humaines. La violence et la cruauté sont anciennes, mais il existe une violence automatisée propre à notre époque… »
Quel est le rôle du philosophe et de la philosophie dans ce contexte ? Florence Burgat citait deux « maîtres » : Platon, d’abord, qui parle de « disposition d’étonnement » pour qualifier la philosophie, et Vladimir Jankelevitch : « Philosopher, c’est se comporter à l’égard du monde comme si rien n’allait de soi ». « Beaucoup de gens, poursuivait la conférencière, placent la philosophie dans le secteur des sciences humaines et sociales. Mais c’est une erreur, car elle ne concerne pas spécifiquement l’homme, elle n’a d’ailleurs aucun objet spécifique. Je propose que l’on renoue avec une interrogation sur les animaux qui était déjà présente chez les Anciens. »
Et personne dans la salle, bien entendu, n’allait y trouver à redire… Le débat qui a suivi l’exposé a été riche en questionnements, mais aussi en témoignages. La soirée s’est terminée de façon très chaleureuse autour d’un verre, dans le hall de l’espace multimédia.
La Griffe remercie la Ville de Clermont-Ferrand, qui avait ce soir-là mis la salle Georges-Conchon à sa disposition ; Radio Arverne, qui a annoncé la conférence par le biais d’une émission d’une demi-heure, au sein de laquelle avait pris place un entretien de Florence Burgat avec la journaliste Marie Serve, et enfin le journal La Montagne qui a relayé l’annonce et publié un entretien avec Florence Burgat.
Josée Barnérias