(Ré)écouter la conférence (en deux parties) : 

 

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Gérard Charollois est bien un « homme de mieux », pour reprendre une expression qu’il emploie souvent. Le président et fondateur de la Convention Vie et Nature (pour une écologie radicale) était, le samedi 12 novembre 2016, l’invité de La Griffe.

« Autant l’avenir est incertain, autant l’avenir immédiat est inquiétant »

Il a animé, devant près d’une centaine de personnes, une conférence-débat intitulée L’arbre, l’animal et l’homme : la grande querelle du biocentrisme. Cela se passait dans la salle Georges-Conchon, confortable et accueillante, que la Ville de Clermont-Ferrand avait gracieusement mise à la disposition de l’association. Ces quelques heures passées en compagnie de Gérard Charollois ont été, pour certains, la découverte d’idées neuves poussées sur le terreau de la connaissance et de la bienveillance, une sorte de révélation, et pour d’autres la confirmation de ce qu’ils savaient déjà : les convictions véhiculées par cet homme de grande sagesse et de grande culture nous aideront à trouver la voie vers une société meilleure, plus juste, où les références ne seront plus de l’ordre de l’exploitation, du profit, de la croissance effrénée et des mensonges, mais de l’éducation, de la bienveillance, du progrès véritable, celui qui consiste à abolir la souffrance et la violence qui actuellement président trop souvent aux entreprises humaines… Une utopie ? Peut-être, mais comme dit le philosophe, une utopie, c’est quelque chose qui ne s’est pas encore réalisé.

Cela dit, Gérard Charollois ne manifeste pas un optimisme béat. Son discours est loin d’être irréaliste : « Autant l’avenir lointain est incertain, autant l’avenir immédiat est inquiétant », a-t-il annoncé. Et encore : « Même si l’on est sur le Titanic et que tout cela doit mal finir, il ne faut pas que cela vienne de nous. Nous devons agir dans le respect des êtres. »

img_1735Gérard Charollois, magistrat de profession, est un être respectueux. La justice, chez lui, est plus qu’un métier, c’est comme une seconde nature. Il rend à César… En l’occurrence, puisque c’est une association animaliste qui l’avait invité, il a eu l’extrême courtoisie de commencer son propos en parlant de la condition animale, en citant d’abord Jeremy Bentham (« La question n’est pas : peuvent-ils raisonner ? peuvent-ils parler ? Mais peuvent-ils souffrir ? ». Les animaux, en tant qu’êtres vivants, n’ont aucune raison d’être soumis à la souffrance. Pour Gérard Charollois, c’est là le degré zéro de l’éthique, une chose que tout le monde peut comprendre. « Mais le chasseur, le tauromaniaque, ne le savent pas ». La chasse et la corrida sont les ennemies majeures de ce militant infatigable de ce que l’on appelle l’écologie radicale. Celle-ci ne se borne pas à donner des recettes de bonne conduite environnementale, mais invite à une réflexion sur notre façon de traiter le vivant. Il balaie l’argument qui consiste à dire que l’homme va déjà si mal qu’il serait bien superflu de s’intéresser aux bêtes, arguant du fait que la souffrance des uns n’a jamais atténué en rien celle des autres. La loi désormais donne à l’animal le statut d’être sensible. « C’est une évidence, mais on n’en pas encore tiré les conclusions qui s’imposaient. »

« Ce n’est pas la performance qui doit fonder la dignité des êtres »

Les idées que véhicule le discours de Gérard Charollois sont, elles aussi, de l’ordre de l’évidence. Mais comment se fait-il qu’on ne soit pas plus nombreux à y adhérer ? La notion de progrès passe par les connaissances que l’être humain a accumulées depuis des millénaires. Depuis un siècle, ces connaissances « sont complètement bouleversées ». « La génétique nous appris que nous sommes très proches des autres animaux. On a appris beaucoup des grands singes qui sont nos cousins. Un propre de l’homme, et un propre de l’animal, cela ne veut rien dire. » Élever la condition animale, ce n’est pas rabaisser la condition humaine. « Ce n’est pas la performance qui doit fonder la dignité des êtres. »

C’est un leitmotiv dans le discours de Gérard Charollois, toute activité, toute relation, y compris bien sûr avec les autres animaux, doit être fondée sur le respect. Le droit à vivre et à ne pas être tourmenté est imprescriptible et s’adresse à tous sans exception. L’homme profite de sa situation de force pour « cancériser la terre entière ». Le terme est dur, la complaisance absente. « Sommes-nous nuisibles ? Pas nécessairement. Je pense que l’homme peut se réconcilier avec la nature. Etre le maître, pourquoi pas ? Si l’on est un maître bienveillant… » L’on pourra objecter que la situation de dominance peut inviter sournoisement aux excès de domination… A moins que la nature fondamentale de l’homme ne se bonifie à tel point que ce soit la bienveillance qui la caractérise. Il y a peut-être encore un peu de chemin à faire… « Le jour où l’on a inventé le feu pour se chauffer, on a aussi inventé le bûcher ». Cette ambivalence toujours présente, bien/mal, lumière/ténèbres, ne serait en fait qu’une question de choix ? Pour Gérard Charollois, il faudrait commencer par « remettre le vivant à l’ordre du jour, là où l’on ne met que le profit. Ce qui est bon ou mauvais, ce n’est pas la connaissance, mais l’usage qu’on en fait. »

Pas question d’opérer un retour en arrière, à l’obscurantisme, « à la guerre des tranchées et à la marine à voile ». Il faut savoir profiter des opportunités que nous offrent la science et la technique pour bâtir le bonheur des êtres. Vœu pieux. « L’âge d’or n’est pas derrière nous, mais je ne suis pas sûr qu’il soit devant. »

Afin de servir les idées qu’il brasse, véhicule, peaufine, depuis plusieurs décennies, Gérard Charollois veut aller plus loin. C’est pourquoi il a eu, avec une petite équipe de fidèles, l’idée de créer un parti politique qui s’appelle La Force du vivant. Parce que c’est une façon pour lui de s’imposer dans la réalité des choses, en quittant le terrain de la seule réflexion pour viser à une action concrète. Il voulait se présenter aux primaires de l’écologie. Des décisions d’appareil l’en ont empêché. Alors, pour se faire entendre, il décide d’aller porter dans le monde de la politique, dont pourtant il ne se fait pas une grande idée, les principes de l’écologie radicale, parce que « ce qui est formidable, c’est que la vie existe et qu’il faut la défendre contre tout ce qui la détruit, contre tout ce qui la tue. »

Josée Barnérias