Quand commence en vrai la vie de Zoé ? Ou plutôt quelles ont été ses vies successives ? On ne connaît que la dernière. Elle a commencé en février 2016. J’ai reçu un appel. La petite épagneule, adoptée deux ans plus tôt dans un refuge par une vieille dame, se retrouvait seule une nouvelle fois. La dame avait dû partir en maison de retraite.
Mon gros Lulu m’avait quittée deux mois plus tôt. Une place (et quelle place !) s’était libérée. Je pouvais recevoir Zoé, sa bonne bouille et ses kilos superflus.
Ah, Zoé ! Elle a traversé ma vie en se dandinant à la manière d’un canard à quatre pattes. Elle m’a offert ses étonnements constants, sa gourmandise, son absolue bonne humeur… Zoé n’avait aucune défense. C’était un concentré d’innocence.
Elle s’est vite intégrée parmi ses petits et grands camarades. Chiens, chats… elle aimait tout le monde. Elle avait dû appartenir jadis à des chasseurs. Sa queue manquait à l’appel. Elle avait été coupée à ras par des brutes, des imbéciles. La vue d’un autre animal, quel qu’il fût, la laissait indifférente. Zoé n’avait rien d’un prédateur. Alors, la chasse…
Six ans, cela passe si vite… Lorsqu’elle est arrivée, elle a rencontré Loukoum et Zitoune. Il n’a fallu que quelques heures pour qu’elle se sente totalement à l’aise.
Les balades fréquentes, une alimentation équilibrée ont suffi pour que la silhouette de Zoé passe du stade de petit tonneau à celui de cylindre parfait. C’était bien.
Elle était assez étourdie et il lui arrivait de s’égarer à force de faire confiance à son nez… Je la cherchais alors avec toujours un peu d’angoisse et beaucoup d’assiduité. Il me fallait un temps plus ou moins long pour apercevoir son profil compact au milieu d’un parterre de fleurs ou à proximité d’un local à poubelles. Elle était contente de me voir, mais semblait totalement indifférente au fait qu’elle m’avait causé quelque frayeur.
Le 2 décembre 2021, en début d’après-midi, à l’âge supposé et canonique de vingt ans, Zoé s’est endormie pour toujours après avoir dégusté quelques-unes de ses friandises préférées.
Tu sais, ma Zozo, je ne crois guère aux fables qu’on nous sert au sujet des petites âmes qui s’envolent vers un paradis rose bonbon où poussent des arbres à knackis et où les chemins sont pavés de fromages frais. Mais si d’aventure un tel lieu existe, je sais que tu y trouveras une place de choix. Je sais aussi que tu ne donneras pas de nouvelles. L’écriture n’est pas ton fort. Si tu les rencontres, embrasse fort pour moi Zitoune, Loukoum, Lulu, Zazie, Nini, Goliath et tous les autres. Dis-leur que je ne les oublierai jamais, pas plus que je ne t’oublierai, toi. Et toi, pense à moi de temps en temps, je suis si triste…
Josée
Zoé, entourée de Zitoune (à droite) et Loukoum, en octobre 2016.