Lundi matin. J’ouvre ma messagerie. Une pétition. Encore une. Cette fois, c’est pour protester contre des amusements de gamins : un nouveau jeu, arroser des chats avec de l’acide.

Bagnolet : des chats brûlés par projection d'acide.

Bagnolet : des chats brûlés par projection d’acide.

C’est bien trouvé. Ça fait des dégâts terribles, et en plus ça fait très mal. Faire souffrir les bêtes, c’est un drôle de jeu. Ça se passe à Bagnolet. Il y a même des photos, diffusées dans les médias. Tiens, d’habitude ça ne les affole pas trop, ce genre de trucs. Ça aurait même tendance à les laisser de marbre. Il y a d’autres priorités, et puis il faut bien que les jeunes trouvent à se distraire… Enfin, je dis les jeunes, mais ce sont peut-être des vieux, ou des plus très jeunes qui font le coup. Comme dit Brassens, le temps ne fait rien à l’affaire…

Dans la foulée je reçois des nouvelles du sinistre salopard qui, il y a quelques mois, avait mis le feu au chat de sa copine, à Nice. Pour fignoler le boulot, il l’avait jeté en flammes du septième étage. On imagine dans quel état était la pauvre bête en touchant le sol… Le salopard a écopé de deux ans d’emprisonnement, mais on peut supposer que ce n’est pas seulement pour cet acte de bravoure, et qu’il devait déjà avoir quelques antécédents. Quel est le juge qui aujourd’hui applique strictement la loi en matière d’actes de cruauté sur des animaux ? Deux ans ferme et 30.000 euros d’amende, juste pour avoir un peu chahuté un chat ?…

Mais il y a autre chose : apparemment le chat, à moitié calciné, brisé, n’était pas mort. Il est resté un certain temps gisant sur le bitume (j’ai lu plus d’une heure, mais ça je ne peux pas le prouver), souffrant le martyre, avant que quelqu’un ne se décide à l’emmener chez un vétérinaire… Il fallait attendre l’avis d’autorités supérieures, sans doute… Parce que pas de Samu pour les minous. On ne sait pas ce qu’il fallait attendre, en tout cas les idiots qui se trouvaient là n’ont semble-t-il pas bougé un cil… De quoi, de qui avaient-ils peur, ces abrutis ? En de telles circonstances, ce genre d’attitude relève de la plus incompréhensible des lâchetés. Pourquoi n’existe-t-il pas un délit de non-assistance à animal en danger, demandait Myrtille, que l’anecdote avait rendu malade ?

Avant-hier, dans le quotidien La Montagne, on avait consacré près d’une demi-page à un article sur une exploitation agricole.

Depuis pas mal de temps, on avait repéré que les animaux qui s’y trouvaient n’étaient pas en très bon état. Déjà fin 2015, la DDPP (Direction départementale de la protection des populations) avait découvert sur le site « des bêtes mortes de faim et de soif. Des moutons et des vaches d’une maigreur excessive et vivant dans des abris sales ». Et que fit-elle, la DDPP ? Elle a demandé benoîtement à l’éleveur de « nettoyer et de faire rapidement quelque chose pour ses bêtes ». On se doute que l’agriculteur s’est mis immédiatement au boulot ! Il s’y est tant et si bien mis que, il y a quelques jours, lorsque la même DDPP a ramené sa fraise accompagnée de l’OABA et de 30 Millions d’Amis, il n’y avait plus personne… Le nettoyage avait été fait au-delà des espérances. Même l’agriculteur avait disparu. A quel sombre maquignon aura-t-il revendu ses pauvres bêtes (au nombre de 350, tout de même) ? Pour l’instant nous n’en saurons pas plus. Avec la chance dont semble jouir les moutons et les bovins du bonhomme, il pourraient bien finir dans un abattoir genre Le Vigan, histoire d’être cohérents dans la démarche. A moins qu’ils ne soient planqués dans un appartement de la banlieue de Bruxelles…

En tout cas, la DDPP (Doucement Derrière Poussez Pas) est arrivée, comme c’est dommage, encore une fois, après la bagarre. Les lourdeurs administratives, ça vous plombe…

Tilikum, l'orque par qui le scandale est arrivé.

Tilikum, l’orque par qui le scandale est arrivé.

Le parc Marineland d’Antibes rouvre ses portes après plusieurs mois. C’est désormais officiel : une cinquantaine d’animaux marins y ont trouvé la mort à la suite des inondations d’octobre dernier, au nombre desquels une orque, Valentin (officiellement, on ne sait ce qui a causé le décès de Valentin). A l’heure où Seaworld, au Etats-Unis, annonce qu’il renonce à son programme de reproduction d’orques et, à l’échéance 2019, aux spectacles d’orques, Marineland Antibes, lui, persiste et signe. Pourtant, de plus en plus souvent, des militants en colère occasionnent quelques remous pour dire leur révolte devant la souffrance infligée aux grands mammifères marins en captivité. Orques, mais aussi dauphins. Le malheur veut que, si certains font un pas en avant, d’autres, les pays émergents – Chine, Pays du Golfe… – font trois pas en arrière : les spectacles d’orques y ont le vent en poupe… On n’en finira donc jamais ?

Les chats libres sont très mal vus par les municipalités...

Les chats libres sont très mal vus par les municipalités…

Un adhérent de La Griffe qui nourrit, sur un terrain clos dont il est propriétaire, des chats libres qu’il a pris soin de faire stériliser à ses frais, est harcelé par la mairie de sa commune. Un arrêté municipal stipule en effet qu’il est interdit de nourrir les chats errants. Nous sommes allés voir, avec lui, les représentants du maire. Nous avons expliqué que des chats bien nourris sont des chats sains, qu’il est inhumain de laisser mourir de faim ces animaux qui sont incapables de se nourrir seuls. Des chats, même craintifs, restent des animaux domestiques. Nous leur avons appris à être dépendants de nous. Assumons ! Qu’une éradication serait non seulement cruelle, mais inutile. D’autres matous auraient vite fait de venir squatter les lieux restés vacants. Mais certains administrés semblent cultiver une véritable phobie de ces petits mammifères, et c’est eux que l’on écoute, de préférence, même si leurs arguments semblent manquer, et de consistance, et de bienveillance.

Combien de nos concitoyens sont-ils mis au ban, pour avoir montré quelque compassion légitime pour des animaux en détresse ? Comment les municipalités peuvent-elles justifier cela, alors que la seule chose qu’elles devraient faire, c’est aider ces gens, en commençant par faire des campagnes d’incitation à la stérilisation auprès des populations qui sont sous leur responsabilité ? Mais on est encore dans un temps obscur où ces notions, pourtant élémentaires, n’ont pas encore cours. Cela viendra ? Peut-être. On est parfois très fatigué. Le découragement peut d’un instant à l’autre prendre le pas sur la colère. On arrive à détourner quelques pauvres bêtes d’un sort qui s’annonce funeste. Maigre victoire. Mais il faut pour l’instant s’en contenter.

Une victoire, c’est une goutte d’eau dans l’océan des souffrances. Serions-nous trop sensibles ? Serions-nous, comme le prétendent nos ennemis et même quelquefois nos « amis » (« gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge », disait le Sage), atteints de sensiblerie aiguë, c’est-à-dire de la tendance à s’émouvoir de choses anodines, de broutilles, de bricoles, aussi peu sérieuses qu’un chien abandonné sur le bord d’une autoroute, qu’un rat à qui l’on fait ingurgiter deux fois son poids de détergent pour voir si cela peut lui causer quelques dommages, qu’un macaque rhésus au crâne couvert d’électrodes après avoir été scalpé, qu’un troupeau de vaches embourbé et affamé en attente de l’arrivée des secours promis par la DDPP, ou encore un chat errant aux oreilles bouffées jusqu’à l’os par le cancer, comme celui qu’on a amené il y a quelques jours chez le vétérinaire. Il souffrait c’est sûr. La seule chose que l’on a pu faire pour lui, c’est mettre fin à ses souffrances. Il pouvait dormir enfin sur ses deux oreilles, le pépère…

Si c’est cela, la sensiblerie, alors assumons.

Que faut-il faire ? Descendre dans la rue ? Nous l’avons fait, nous le ferons encore. Nous nous y retrouvons une poignée. Les passants, pour la plupart, ne nous voient même pas. Mais qu’importe. Parfois, je considère avec une consternation mêlée d’envie les foules qui se pressent aux abords des stades les jours de match, et cela par tous les temps… Que les foules ne soient pas au rendez-vous lorsqu’il s’agit des droits des bêtes, il faut le comprendre. L’humanité n’en est pas encore là ! Mais qu’une petite -même une toute petite partie- de ces hordes joyeuses n’ait pas la moindre pensée pour les horreurs qui se déroule à côté d’elle, et dont souvent, elle est, de près ou de loin, responsable, cela me sidère.

Mais soyons fous ! Continuons à voguer sur l’océan de nos rêves d’un monde meilleur. Nous y croiserons peut-être quelque orque, quelque dauphin souriant, qui nous gratifieront d’un coup de sonar bien envoyé.

Et continuons à montrer que La Griffe peut aussi avoir, à l’occasion, de la gueule !

Josée Barnérias